Charles Journet, L’Eglise du Verbe incarné, tome Ier, 3e édition (1962), p. 535-536 :
Mais à quels signes reconnaître le vrai corps épiscopal ?
La réponse appartient au traité des lieux théologiques.
Le signe suprême c’est, puisque Pierre a été institué par Jésus-Christ chef perpétuel du collège apostolique, la communion avec le souverain pontife.
La majorité des évêques sera-t-elle, à un titre dérivé sans doute, une assurance suffisante ? Il est manifeste en tout cas que la majorité comme telle est loin d’être un sûr critère de vérité : « Scimus frequenter usuvenire ut major pars vincat meliorem, scimus non ea semper esse optima quae placent pluribus », dit Cano¹. Est-il même question d'une majorité d'évêques, de bons théologiens pensent qu'elle peut s'égarer, juger à l’encontre du souverain pontife, et même persévérer dans son erreur. Ainsi Cano. Ainsi encore Benoît XIV : « Du fait que les évêques, rassemblés en concile général, sont de véritables juges, qu’on ne conclue pas que le pontife romain est tenu de décider conformément à la majorité des juges et d’approuver leur doctrine. Car, comme le remarque Melchior Cano, si tous les évêques sont de véritables juges, cependant le jugement suprême a été commis, par le Seigneur Christ, à son vicaire sur terre, et la charge lui a été confiée de rappeler à la vraie foi, qu’ils soient le petit ou le grand nombre, tous ceux qui fléchissent : J’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille point, et toi, quand tu seras revenu, confirme — non l’un puis l’autre, mais qu’ils soient minorité ou majorité, — confirme tes frères. Les quatre cents prophètes d’Achab n’ont pas prévalu jadis contre le seul prophète Michée ; de même le concile arien de Rimini n’a point prévalu contre Vincent de Capoue et les quelques évêques restés attachés alors à l’évêque de Rome »². On voit que, dans le canon d’orthodoxie de saint Vincent de Lérins : « Dans l’Église catholique elle-même, il faut veiller soigneusement à s’en tenir à ce qui a été cru partout, toujours et par tous », la dernière clause, quod ab omnibus, ne doit s’entendre que de ceux qui forment, sous la garde de Pierre, les brebis du Christ. Il reste que, puisque l’Église du Christ doit durer toujours et qu’il n’y a pas d’Église du Christ sans corps épiscopal, il est absurde d’imaginer que le pape puisse rester seul en face des évêques. Certains théologiens estiment même que les promesses accordées par Jésus au corps épiscopal : « Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation du siècle » (Mt., fin), impliquent que la majorité de ce corps ne se disjoindra jamais du souverain pontife : « Il est impossible que la majorité des évêques ayant juridiction dans l’Église, c’est-à-dire des évêques catholiques, enseigne un sentiment que le souverain pontife n’enseignerait pas soit expressément, soit au moins tacitement. Il est impossible, par conséquent, qu’elle tombe dans l’erreur et se sépare du saint siège¹ ». Pour ce qui concerne l’avenir, reconnaissons, en effet, que cette dernière éventualité paraît sinon « impossible », du moins peu vraisemblable.
Les relations quotidiennes du corps épiscopal, dispersé dans l’espace, avec sa tête, le souverain pontife, sont aujourd’hui facilitées par le perfectionnement des moyens de communication, le progrès technique pouvant servir, à l’égal des anciennes routes romaines, non moins à l’expansion du règne de Dieu qu’à l’expansion du règne du mal.
Cependant l’unité de l’Église enseignante se manifeste avec le maximum d’éclat lorsque, des circonstances exceptionnelles le demandant, le corps épiscopal se rassemble en concile, surtout en concile général ou œcuménique².
___________
1. De locis theol., lib. V, cap. v, quaest. 2.
2. De synodo diocesana, lib. XIII, cap. ii, n° 3.
1**. VACANT, Le magistère ordinaire de l’Église et ses organes, p. 94.
2**. On appelle Conciles provinciaux ceux qui groupent, sous le métropolitain, les évêques d’une province. D’eux-mêmes, ils font déjà grande autorité en matière de foi. S’ils sont confirmés par le souverain pontife, leur autorité est absolue et ils deviennent, sur ce point, assimilables aux conciles généraux ou œcuméniques. Cf. Melchior CANO, De locis theol., lib. V, cap. iii et iv.
[*] ...quoique j’en connais un qui va encore me reprocher d’avoir fait fonctionner ma photocopieuse
...
[**] Notes de la p. 536.
V.
Soutenir le Forum Catholique dans son entretien, c'est possible. Soit à l'aide d'un virement mensuel soit par le biais d'un soutien ponctuel.
Rendez-vous sur la page dédiée en cliquant ici.
D'avance, merci !