réponse plus précise sur l'esclavage par Réginald 2025-07-23 14:25:03 |
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Dès le XIIIe siècle, saint Thomas d’Aquin avait tenté de concilier les titres romains de propriété sur les esclaves avec la tradition patristique chrétienne. Acceptant l’idée aristotélicienne selon laquelle certains hommes seraient « esclaves par nature », il soutenait que cette condition n’appartient pas à l’intention première de la nature mais à une « seconde intention », survenue à la suite du péché originel. L’esclavage est ainsi considéré comme une conséquence pénale du péché, non comme un ordre voulu par Dieu dès l’origine. Saint Thomas admettait que, dans certaines circonstances, une relation maître-esclave pouvait être mutuellement bénéfique, à condition d’être réglée selon la justice. Cette tentative de justification doctrinale se retrouvera chez plusieurs auteurs scolastiques, au moins jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
Ainsi certains auteurs ont tenté de justifier l’esclavage en recourant à la notion d’« esclavage volontaire », par analogie avec le travail salarié à long terme ou les contrats de service. Ainsi, le cardinal de Lugo écrivait :
Certains auteurs scolastiques ont tenté de justifier l’esclavage en recourant à la notion d’« esclavage volontaire », par analogie avec le travail salarié à long terme ou les contrats de service.
Ainsi le cardinal de Lugo écrivait :
« L’esclavage consiste en ceci : un homme est obligé, pour toute sa vie, de consacrer son travail et ses services à un maître. Or, puisque chacun peut justement s’engager, en vue d’un avantage anticipé, à fournir tous ses services à un maître pendant un an — et qu’il serait, en justice, tenu d’honorer ce contrat — pourquoi ne pourrait-il pas s’engager de la même manière pour une période plus longue, voire pour toute sa vie ? Une telle obligation constituerait précisément l’esclavage. »
(De Iustitia et Iure, disp. VI, sec. 2, n°14)
De même, le Saint-Office affirmait encore, dans une réponse du 20 juin 1866 :
« L'esclavage, en lui-même, n'est dans sa nature essentielle pas du tout contraire au droit naturel et divin, et il peut y avoir plusieurs raisons justes d'esclavage. »
Ainsi la traite négrière, bien que largement pratiquée au XVIIIe siècle, n’a pas été explicitement dénoncée par le Magistère, qui n’en percevait pas encore pleinement l’incompatibilité avec la dignité humaine.
Cette construction juridique reposait sur l’idée qu’un homme pouvait, en vue d’un bien supérieur (protection, subsistance, rémission de dettes), se lier à perpétuité au service d’un autre. Mais dans la réalité historique, cet esclavage « volontaire » relevait bien souvent d’une fiction morale. Il ne correspondait que très rarement à un consentement libre et éclairé : dans l’immense majorité des cas, il s’agissait de formes de domination imposées par la force, la misère ou la naissance, dans un cadre légal qui privait l’individu de toute autonomie réelle.
C’est pourquoi, à mesure que l’Église progressait dans une meilleure compréhension concrète de la condition humaine et de ses atteintes, certains enseignements plus explicites ont pu être formulés. Ainsi, Léon XIII, dans In plurimis (1888), s’écartant nettement des justifications antérieures, affirme avec force :
« Devant tant de misère, la condition d’esclavage, dans laquelle une partie considérable de la grande famille humaine a été plongée dans l’affliction pendant de nombreux siècles, est profondément déplorable ; car ce système est en tout point opposé à ce que Dieu et la nature ont originellement ordonné. Le Souverain Auteur de toutes choses a ainsi décrété que l’homme exercerait une sorte de domination royale sur les bêtes, les troupeaux, les poissons et les oiseaux, mais jamais que des hommes exerçaient une telle domination sur leurs semblables. »
Ce jugement plus net ne constitue pas une rupture avec l’enseignement antérieur, mais marque un approfondissement doctrinal : à la lumière de l’Évangile, le magistère catholique reconnaît progressivement que toute forme d’asservissement, même juridiquement encadrée, porte atteinte à la dignité inaliénable de la personne humaine.
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