Vous êtes sûr qu'ils avaient leurs quatre Evangiles en latin dans la poche et que leurs prêtres lisaient le dernier Evangile par manière de dévotion à la fin de leur messe ?
Vous faites une histoire de l'Eglise et du sentiment religieux des chrétiens par le haut et à rebours, voulant à tout prix faire entrer de manière hégélienne et organique ce qui est aujourd'hui dans vos pratiques et croyances, les 2000 ans qui précèdent...
Le fait même que le laïc que vous êtes se permette de donner son opinion sur tel ou tel point en théologie ou en pastorale, n'a absolument rien de "traditionnel" chez les catholiques depuis 2000 ans. Comme celui de posséder une bible dans sa traduction vernaculaire ou de recevoir des sacrements d'évêques sans siège, pas même in partibus ! Je connais des cas particuliers durant la période médiévale, je vous rassure, mais ce n'est pas vraiment pas la règle...
Au XIIIe s., certains théologiens étaient persuadés que les ordres mendiants étaient inclus dans les Evangiles (la fameuse vita apostolica), d'autres persuadés de l'exacte contraire... Et Lyon II a fini par réduire à quatre leur nombre et d'interdire les autres.
Je vous ai parlé des cardinaux qui prétendaient, pour certains, être les seuls successeurs des apôtres. Vous ne trouverez pas tout sur internet et en ligne gratos. Il faut lire et aller dans les bibliothèques, passer du temps. Au mieux, je vous photocopie les articles de mon ami Pierre Jugie pour commencer. Lui, étudie depuis quarante les cardinaux des XIIe-XIVe s., à partir des sources de première main. Si vous étiez à sa soutenance, vous avez dû avoir chaud dans la salle, comme moi... Et PJ sait qu'après tant d'années, il connaît à peine son sujet. Pas seulement parce qu'il est très pris par son sujet et qu'il a des soucis avec ses yeux.
Désolé, mais saint Thomas pas plus que saint Augustin (et la liste des Pères de l'Eglise est considérable) n'auraient eu l'idée d'être immaculiste. Les Dominicains français des années 1390-1400 l'ont payé cher en devant abjurer avoir professé et prêché le contraire sur le parvis de Notre-Dame. Le roi a même abandonné la tradition d'avoir un confesseur dominicain. Et je ne parle que de la France.
Sortez du catéchisme et lisez les historiens, vous verrez que tout cela est plus compliqué.
Le catéchisme est une bonne chose (pour ceux à qui c'est destiné et en fonction des époques), mais l'histoire des curés, des dogmes ou de la Bible est une autre chose. La bible aussi a une histoire. La division par les chapitres actuels est médiévale. Des passages et des mots varient de la Septante à la Vulgate, comme vous savez.
Le catéchisme a aussi une histoire et cela ne dit absolument rien pour la période médiévale et tardo-antique, à moins de vouloir à tout prix, par esprit concordantiste, vouloir y placer la prédication des évêques... Comme si le peuple entendait son évêque tous les dimanches... La très mauvaise formation des curés de campagne est un leitmotiv chez nombre d'évêques, et ô combien au XVe s. Il faut voir les rares registres de visite des paroisses, avec l'enquête sur les vases sacrés, les livres, la réserve eucharistique, la vie sexuelle du desservant par endroits...
Que vous dit votre catéchisme réponses-automatiques-à-tout au sujet du ""produit"" des fausses couches quand cela vous arrive à la maison ou dans le train ?
Ou au sujet de la mort des enfants en bas âge en 2002 : limbes ou pas limbes ? Vous êtes dans l'Eglise qui tient compte de Benoît XVI ou de celle d'avant, en lévitation ? Ne me sortez pas des centons tirés d'internet à partir de citations des saints de tous les temps. Je vous parle d'aujourd'hui. Ce n'est pas une mince question.
Au fait, je suis un chrétien de Chartres d'avant le Christ, car j'ai lu noir sur blanc de la main des chanoines de Chartres devant le Parlement de Paris au XVe s. que leur cathédrale avait été dédicacée avant même l'Incarnation... A Orléans, c'est encore plus fort : Dieu a dédicacé la cathédrale, comme la main divine est devenu l'emblème du chapitre à l'époque moderne. Ainsi, la cathédrale ne peut être réconciliée en cas de souillures, puisque la main de Dieu en fait une dédicace particulière. Vous allez apprendre cela à des enfants au caté ? Ou alors vous allez contextualiser et lire, si la question est posée, la vita de st Euverte rédigée au IXe s. ? Et pour prendre un autre diocèse jointif (alors imaginez ailleurs...), st Julien du Mans n'a jamais existé, mais l'Eglise locale dût l'inventer au IXe s. pour le rattacher à l'envoi de disciples par st Clément, immédiat successeur de Pierre (vous me lisez bien : Lin et Clet exeunt !). D'ailleurs selon les versions bibliques, ils sont 70 ou 72 envoyés. Comme la liste n'a pas été donnée, chaque Eglise a pu s'inventer un évangélisateur parmi ceux-là. Vous lirez un excellent compte-rendu dans le futur numéro de la RHEF.
J'ai vu st Clément la semaine dernière, comme st Pierre...
Il serait temps que certains tradis comme vous fassent une revue (je l'ai souvent dit en le pensant sérieusement, mais sans présumer des membres du comité de lecture...) qui en remontrent aux autres en théologie et en histoire, notamment en histoire de la liturgie. Le bon grain chasserait le mauvais. Une revue, pas une brochure, qui accepterait aussi les contributions de gens dont vous ignorez la sexualité et la religion. J'ai souvent cité ici des prêtres dits traditionnalistes, docteurs, qui publient chez de grands éditeurs et dans des revues à comité de lecture. Ils ne sont pas crus et publiés sur la foi de leur celebret et de leur pedigree sacerdotal, mais uniquement en fonction de la haute qualité de leur prose et de leur cursus a-ca-dé-mi-que. Et cela en impose et fait réfléchir jusqu'à des évêques français, c'est vous dire... J'ai même modestement mis en lien tel prêtre avec tel évêque, et le dialogue s'est noué (et l'évêque a lu). Je me fiche d'instruire tel théologien de l'ICP ou tel journaliste, mais si "à droite" (pour prendre une catégorie de l'abbé Barthe qui est insuffisante, mais qu'on comprend) dans l'Eglise, les gens peuvent se parler et s'instruire, il faut le faire.