Avons-nous des critères communs de vérité dans cette discussion ; s'il n'y en a pas, constatons seulement que nos critères premiers sont différents et que nos désaccords en découlent.
Avons-nous comme critère commun que
- dans Veritatis Splendor, JPII expose la doctrine, pas nécessairement exhaustive mais indéniable de l'Eglise.
- il n'est pas a priori exclu qu'Amoris Laetitia soit comme pas mal de personnes compétentes le prétendent, en désaccord avec cette doctrine ? Et il ne faut donc pas prendre les affirmations contestées de la nouvelle vision comme critère pour résoudre le problème. Si c'est exclu a priori, ne discutons plus.
François se protège des contestations qu'on est en droit de lui faire au nom de la doctrine en relativisant en permanence l'importance de cette doctrine, et en critiquant voire injuriant ceux qui l'invoquent ; mais comme P. Bordeyne le montre bien, et là je suis d'accord avec lui, il y a bel et bien un principe doctrinal au changement pastoral mis en oeuvre. Ce principe doctrinal énoncé par P. Bordeyne à partir d'AL est :
"plus on descend dans le particulier, plus les prescriptions universelles montrent leurs limites. « Les normes générales présentent un bien qu’on ne doit jamais ignorer ni négliger, mais dans leur formulation, elles ne peuvent pas embrasser dans l’absolu toutes les situations particulières »
Or dire que "les normes générales dans leur formulation ne peuvent pas embrasser dans l'absolu toutes les situations particulières", c'est nier qu'il y a certains actes au contraire, selon la doctrine de l'église, pour lesquels le commandement moral embrasse toutes les situations, ce sont les actes intrinsèquement mauvais, dans la mesure où on ne peut prétendre qu'avec la raison naturelle très affermie par la foi, on ne comprend pas que c'est mal, et où nous nous sommes assurés que la grâce non sans combat nous donne de choisir le bien, rejeter le mal, et pouvoir l'accomplir.
Vous devez m'expliquer en quoi les deux remarques, si elles ne sont pas prises elles-mêmes comme critères de vérité, résolvent ce que je dis être une contradiction entre la nouvelle vision morale et la doctrine ré-exposée par Jean-Paul II. Par vos deux remarques vous prenez pour critère ceux de la nouvelle vision. Montrez-moi s'il vous plaît que c'est compatible avec les citations que je vous ai données de Veritatis Splendor.
1 - L'adage en question de la supériorité du temps sur l'espace est fondement du "nouveau paradigme", tout en étant de contenu très confus. Pouvez-vous me l'expliquer clairement s'il vous plaît ? En supposant qu'on comprenne suffisamment ce qu'il signifie, si on l'applique à la question du discernement moral, il semble avoir pour conséquence qu'il est justifié de faire ce qui est objectivement et intrinsèquement mal (la vie en couple homosexuel) pourvu que ce soit un acte sur un chemin de progrés moral. Mais ça c'est justement ce que nie la doctrine pérenne de l'Eglise, et que ré-expose Jean Paul II ; la doctrine des "actes intrinsèquement mauvais que l'on ne doit jamais commettre" contredit fondamentalement la justification des actes objectivement mauvais qu'on aurait le droit de commettre parce qu'ils sont un moment sur un chemin de progrès, comprenez-vous ? voue ne semblez pas comprendre.
2 - Qu'est-ce qu'un bien en soi, est-ce que la question porte sur un bien en soi ? Non, car il s'agit du bien concret, particulier sur lequel portent nos actes. La question porte sur le bien moral et le mal moral faits dans nos actes concrets. Le nouveau paradigme prétend qu'il y a des situations où on peut désobéir aux commandements (ils évitent de le dire ainsi), à n'importe quelle norme universelle, qui ne saurait s'appliquer absolument. Or on ne peut pas porte sa volonté sur un mal, comme l'union homosexuelle, la vie en concubinage etc., même si c'est en désirant progresser et comme chemin de progrès. C'est fondamental dans l'éthique catholique, ça s'exprime aussi "vulgairement" en disant que la fin ne justifie pas les moyens.
Alors vaut-il mieux la vie en couple homosexuel stable ou le vagabondage ? Peut-être, quoique on pourrait défendre le contraire, mais en tout cas ça consiste à choisir le moindre mal ; or la doctrine morale catholique exclue le principe moral du moindre mal, parce que ça reste un mal et qu'on ne doit pas choisir un mal. Mais bien sûr, encore faut-il admettre avec l'Eglise que ce refus du mal est conforme au réalisme de la grâce (voir les citations de Veritatis Splendor que j'ai données). Mais le nouveau paradigme rejette ce réalisme de la grâce en rabaissant l'agir huamain au niveau des capacités naturelles, et en disant que c'est une surestimation des capacités humaines et que c'est du pélagianisme ; s'ils reconnaissaient ce réalisme de la grâce ils devraient renoncer à leur compromis avec les actes mauvais.
Faire le bien possible, est bon si c'est un bien, or ce qu'on appelle ici bien possible comporte un mal grave. Et quand on choisit la vie en couple homosexuel, on ne peut pas dire comme vous le faites que le choix ne porte que sur la disparition d'un mal plus grand, tandis que le mal de la vie en couple homosexuel ne serait pas choisi ! Ca n'est pas ça l'acte volontaire et moral, soyons sérieux.