Je voudrais bien, cher Turlure, demander l'avis sur cette question qui nous oppose du père Vincent (dans le siècle : Jean) Scheil O.P., qui n'a jamais fait valoir sa vie active de chercheur et de scientifique (dans un de mes domaines, c'est pour cela que je connais bien ses écrits) pour se soustraire à ses devoirs de frère prêcheur, mais pour ce faire il faudra attendre l'au-delà.
Lorrain et patriote français, ce que je respecte sans le partager, né en 1858, à Königsmachern, Maceria Regis comme il l'appelle dans une langue neutre, il est décédé à Paris, en septembre 1940.
Après des études théologiques et philosophiques en Espagne et en Autriche, père dominicain en 1882, des études classiques et orientales à la Sorbonne, il fut surtout, après un épisode au Caire et un passage à Sippar et Mossul (en Mésopotamie), appelé par Osman Hamdi Bey à Constantinople en 1892 pour cataloguer les trésors du Musée impérial ottoman [il y résida à Galata, au couvent dominicain des SS. Pierre et Paul où j'ai moi-même passé quelques moments heureux bien plus tard], puis il devint en 1899 l'épigraphiste de l'expédition de Jacques de Morgan en Perse, et l'homme heureux qui découvrit le Code d'Hammurabi à Suse, le fit apporter au Louvre, le transcrivit et l'édita (en 1902).
Professeur à l'École pratique des Hautes Études depuis 1895, appelé à faire partie de la Commission biblique par le pape Léon XIII en 1903 (pour devenir un fidèle collaborateur contre le modernisme), la France ne pouvait finalement s'empêcher de l'appeler comme membre à l'Institut de France en 1908, même si son habit, fidèlement porté, lui ferma en 1903 et pour toujours les portes du Collège de France.
Fidèle récitant, on se l'imagine volontiers, de l'hymne à S. Pie V que vous admirez (même s'il resta dûment excloîtré dans son appartement parisien aussi après la réouverture de la maison de son Ordre), il fut aussi, horis subsicivis comme on dit, à ses heures de loisir, un poète latin méritoire, bien à l'aise dans la métrique la plus compliquée.
Ainsi il édita en 1934 à Chalon sur Saône un petit volume intitulé Epigrammata et carmina fort intéressant et plein d'allusions obscures pour moi (des initiales entre autres : il faudrait bien connaître la vie universitaire parisienne vers 1900 pour les déchiffrer).
On y trouve de petits trésors catulliens ou martialiens, comme celui-ci (intitulé en français : Récension) :
Etsi vix quid inest tui libello,
Hippi, sat malus est tuus libellus.
(On aimerait bien savoir qui fut ce Hippius !)
à côté de strophes solennelles, dont celle, en mètre alcaïque, avec laquelle il célèbre sa découverte du Code (et que j'ai rééditée ailleurs, en 2007) :
Ex Susiano pulvere proditas,
leges libellus continet hic sacras
quas undecim saeclis, Lycurge,
te prior Hammurabi coëgit ...
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et
LÀ
Au Louvre avec Jacques de Morgan, avec les trouvailles de Suse :