Montes Gelboe: Trente et Vatican II, même combat? Une réflexion. par Signo 2019-01-14 21:44:21 |
Imprimer |
Je reviens sur un sujet très récemment abordé sur le forum, et qui a consisté à s'interroger sur la nature et le sens des différentes réformes liturgiques des XVII, XVIIIe et XXe siècle.
Montes Gelboe avait publié un ici un message très intéressant que je copie:
Plus on remonte dans la lecture et l'étude des livres liturgiques, spécialement bréviaires, livres d'heures etc... plus se révèle la richesse amputée et les destructions décrétées au cours des temps. On rappelle ici assez souvent les textes supprimées en 1955, notamment les octaves de nombreuses fêtes. Quelquefois la profonde dénaturation de l'office dominical et férial en 1910 par une répartition nouvelle des psaumes est évoquée. Les corrections jésuito-humanistiques des hymnes au XVIIe s est moins décriée parce que moins connue. On ne dit que peu de chose des réformes du XVIe siècle, suppressions d'offices, de fêtes, de textes, au nom de l'humanisme triomphant alors. Pour avoir une juste vue des richesses anéanties, surtout pour les Heures et l'Office, il faut recourir aux livres des ordres monastiques (cisterciens ou, mieux, chartreux) ou canoniaux (Prémontrés, Carmes, Prêcheurs), qui ont plus ou moins résisté à la "tridentinisation" forcée au XVIe siècle, ou aux manuscrits des liturgies diocésaines disparues pendant le XVIIe voire le XVIIIe siècle, dont certains ont été édités scientifiquement aux XIXe et XXe siècles. Comme si, de longue date, et aboutissant à présent sous nos yeux, les hommes d'Eglise avaient progressivement et volontairement appauvri le culte, et jeté dans la poussière des bibliothèques les trésors que l'Antiquité et le Moyen-Age avaient amassé. Pour créer, dès le XVIe siècle, une liturgie pauvre et répétitive, qui ne cessera par la suite de connaitre toujours des appauvrissements successifs Paradoxalement, c'est au moment-même où la liturgie sombre dans le néant, un moment que l'on peut dater des années 1970 et suivantes, que les publications scientifiques mettent à disposition ces textes vénérables, étudient leurs variantes, et la tradition de leur transmission. Pour la messe : le "Sacramentaire Grégorien" ( 1979 et 1988) le "Sacramentaire de Gellonne" ( 1981. Pour l'office le "Corpus Antiphonalium officii" en 1970 et années suivantes. La néo-liturgie que l'on reconnait dans ce forum comme une création de facto ou une "forgerie", néglige totalement aussi cet effort scientifique d'érudition et de publication des textes. Ceci dit, y aurait-il un véritable obstacle à une restitution pratique et une réintroduction de ces textes et de ces richesses patrimoniales mises sous le boisseau depuis si longtemps ? Il est heureux de les voir parfois évoqués ou cités ici. Mais ne peut-on pas aller de la simple anecdote ou de la curiosité archéologique jusqu'à une prudente réintroduction effective dans les célébrations elles-mêmes ? Cela se pratique-t-il, officiellement ou officieusement ? Il est possible que cela soit considéré comme l'ouverture d'une nouvelle boite de Pandore... Que peut-on en penser ? Merci.
Ce que vous écrivez est très instructif et confirme les intuitions de beaucoup, qui est que le concile de Trente a bien été une tentative d'"adaptation" (la première!) de l'Eglise à l'humanisme néo-paien et à la modernité qui venait tout juste de naître.
Donc Trente est au XVIe siècle ce que Vatican II a été au XXe siècle: pour chacun de ces deux Conciles, d'un côté, on rappelle la doctrine sacrée et la Tradition, mais de l'autre, on tend la main à l'esprit du monde (dans les deux cas!). Donc tout ce qu'on peut reprocher à Vatican II et aux réformes qui ont suivi, on peut aussi le reprocher (dans une moindre mesure certes, ce qui est logique, la modernité de l'époque était encore une "jeune pousse" par rapport à ce qu'elle était devenue au XXe siècle) au Concile de Trente et à la Contre-Réforme!
Ça décoiffe, hein?
En effet, "l'esprit de Trente" va enclencher un long processus de décadence de la liturgie pour aboutir à l'état dans lequel elle se trouve à la veille de Vatican II (c'est à dire un ensemble rituel dont les richesses mystiques sont recouvertes par plusieurs "couches sédimentaires" qui en obscurcissent le sens, et étouffées par la rigidité d'un rubricisme corseté et quasi-névrotique).
Par ailleurs n'oublions pas que le fer de lance de la Contre-Réforme a été l'ordre des Jésuites, ordre moderne (puis moderniste) et humaniste par excellence, avec son goût pour les études et la culture mondaine, sa spiritualité sèche et cérébrale (très anti-liturgique), sa mentalité activiste, par opposition aux ordres monastiques du Moyen-Age, donnant la première place à la liturgie et à la contemplatio.
Dans l'optique des Anciens, qui est l'optique traditionnelle, l'ascèse est au service de la Liturgie, donc de la contemplation des vérités mystiques.
Dans l'optique des Modernes qui est celle de la réforme tridentine, ce rapport s'inverse: c'est la Messe qui se réduit à n'être plus qu'un outil au service d'une ascèse qui est de moins en moins illuminée par la mystique, et qui donc se transforme petit à petit en névrose.
Cette analyse est peut-être un peu schématique et sans doute faudrait-il la nuancer, mais je pense qu'il y a là quelque chose d'assez vrai. Et qui explique bien des choses...
Soutenir le Forum Catholique dans son entretien, c'est possible. Soit à l'aide d'un virement mensuel soit par le biais d'un soutien ponctuel. Rendez-vous sur la page dédiée en cliquant ici. D'avance, merci !
|
166 liseurs actuellement sur le forum |