C'est bien l'esprit de la Tradition (et non la lettre de la Tradition telle qu'elle se présentait à travers les rubriques pointilleuses voire mesquines de l'avant Vatican II) qu'il faut rechercher.
Vous êtes un enfant de notre époque ; ce n'est pas un reproche, mais je vous invite à prendre un peu de recul et de réfléchir.
Notre époque est une époque qui rejette la forme, les formes, dans une tendance extrême même : toutes formes, qu'elle considère, bien à tort, inutiles, encombrantes, contraignantes, mesquines, pour privilégier, dit-elle, le contenu. Fallacieuse manoeuvre. Car s'il est vrai que l'attachement exagéré à la forme peut devenir un formalisme, c'est un moindre mal vis-à-vis de son contraire, le détachement de toute forme ou contrainte extérieure, qui court dans le subjectivisme total. Nous voyons bien les résultats de cette licence, d'abord mentale, autour de nous, dans à peu près tout.
Il faut rechercher, dites-vous, l'esprit de la Tradition, pas sa lettre ; mais, je vous demande, cette esprit, où le trouvez-vous ? N'est-ce pas de la main de l'Église que vous l'accepteriez, et d'elle seule ? Et dans les formes qu'elle a bien voulu utiliser pour l'exprimer ?
Ce contenu comment le connaît-on, sinon par les formes dont il s'est revêtu, et seulement par elles ? ce contenu, votre "esprit de la Tradition", vis-à-vis de sa lettre, ne saurait être une entité détachée, autonome, il s'attache nécessairement à sa lettre, il ne vole pas en l'air comme la
chimaera in vacuo bombinans dans l'immortelle bibliothèque de Saint Victor.
Et n'oubliez jamais que notre foi et notre Église sont
romaines (que nous soyons par ailleurs latins ou autres), que tout ce qui est nôtre en matière de religion est façonné, par une disposition de la Providence, par le moule romain, et que Rome est la gardienne de l'ordre, de la forme, de la loi, qu'elle a su imposer au monde entier.
Si ce n'est pas dans votre tempérament, il faudra vous y faire, de grands saint à l'esprit indépendant y sont parvenus avant vous.
A chacun ses mortifications.
La solution idéale dans les paroisses avec fidèles lambda serait de proclamer l'Evangile en français...
Vous êtes sûr que les fidèles lambda ne préfèrent pas le grec ?
Votre problème il me semble est votre vision intellectualiste de la liturgie, un problème typique du mouvement antiliturgique à tendance moderniste (je ne dis pas par là que vous êtes forcément moderniste !), et l'idée, qui est grossièrement fausse, que "comprendre" signifie forcément avoir l'intelligence linguistique et symbolique de tout mot qui est dit et de tout symbole qui est utilisé, respectivement.
Et de surcroît de façon uniforme, comme si le fait de ne pas "suivre" avec les autres, l'un ou l'autre texte, l'un ou l'autre aspect du rite, signifierait pour le fidèle avoir "raté" son examen de compréhension liturgique.
C'est bien sûr faux.
Pendant plus d'un millénaire une partie notable des fidèles, notamment au Moyen-Age qui vous est si cher, et en Orient c'est le cas à nos jours, ne savait pas lire et ne comprenait pas les textes, mais néanmoins une bonne partie d'entre eux avait sûrement un sens liturgique et une intelligence de la foi beaucoup plus développés qu'aujourd'hui, sinon beaucoup moins d'entre eux se seraient sanctifiés, et nous n'aurions pas les oeuvres d'art, de peinture, de sculpture, de musique, d'autres, qui témoignent du fait que la liturgie et la foi étaient bien vécues et comprises, dans un sens bien plus profond.