Bonjour et merci, Marco Antonio.
1. En apparence, et en théorie, le positionnement de l'Eglise catholique, tel qu'il est exprimé dans DH et dans NA, est certainement réaliste.
2. En réalité, et en pratique, ce positionnement conciliaire, duovatican, tel qu'il est formulé dans ces deux documents, est potentiellement suicidaire.
Pour une raison qui me semble finalement extrêmement simple.
3. Quand vous accordez un droit à quelqu'un, aujourd'hui, voilà comment il le conçoit :
A) j'ai juridiquement "le droit" de dire ou de faire telle ou telle chose,
" DONC "
B) j'ai moralement et socialement "raison" de dire ou de faire cette même chose,
C) même si les conséquences morale et sociales de l'exercice de ce droit, en disant ou en faisant cette chose là, sont potentiellement préjudiciables à moi-même ou à d'autres qu'à moi ;
D) et d'ailleurs, si tel est bien le cas, l'Etat aura "le devoir" de prendre en charge ces conséquences, à mon bénéfice ou au bénéfice des personnes qui seront, pour ainsi dire, les destinataires collatérales de mon exercice de ce droit ;
E) "le devoir", vous dis-je, sinon, si l'Etat "n'y arrive pas", cela voudra dire que l'Etat "n'avait qu'à pas" m'accorder ce droit : je serai donc, non "coupable" d'avoir fait cet usage de ce droit, mais "victime" de la défaillance de l'Etat, ultérieure à cet usage de ce droit.
4. Traduisons : voici, à mon sens, comment DH + NA sont communément compris aujourd'hui.
A) j'ai juridiquement "le droit" d'adhérer à n'importe quelle religion ou de n'adhérer à aucune religion,
" DONC "
B) j'ai spirituellement "raison" de croire en Dieu, en recourant à telle ou telle religion, ou de ne pas croire en Dieu, en ne recourant à aucune religion,
C) même si les conséquences spirituelles de l'exercice de ce droit, à travers le recours à une religion non chrétienne, ou à aucune religion, sont quasi certainement préjudiciables, à moi-même ou à d'autres qu'à moi, d'un point de vue surnaturel et théologal,
(mais quel homme d'Eglise dit clairement et fermement, aujourd'hui, que ces conséquences spirituelles sont, ne serait-ce que potentiellement, préjudiciables au salut des non chrétiens et à celui des non croyants ?) ;
D) et d'ailleurs, si tel est bien le cas, l'Eglise aura "le devoir" de prendre en charge ces conséquences, à mon bénéfice ou au bénéfice des personnes qui seront, en quelque sorte, les destinataires collatérales de mon exercice de ce droit,
E) en affirmant avant tout, voire en affirmant seulement,
1) que le plus important n'est pas que les croyants non chrétiens ou les humains non croyants sachent qu'eux-aussi, avant tout,
a) ont vocation à adhérer à Jésus-Christ ET à rejeter hors d'eux les erreurs qui s'opposent à cette adhésion et à cette vocation,
b) n'ont pas vocation à persister dans la non adhésion à Jésus-Christ, ni dans le maintien en eux des erreurs qui fondent cette non adhésion,
MAIS
2) que le plus important est que les croyants non chrétiens ou les humains non croyants sachent qu'eux-aussi, avant tout, ont vocation à croire et à vivre en plein accord avec leur conscience (inerrante ? infaillible ?), que celle-ci
- finisse par être éclairée par la seule vraie religion, instituée par Jésus-Christ,
ou
- continue à être égarée par une religion erronée ou par une absence de religion.
5. Mais quel homme d'Eglise dit clairement et fermement, aujourd'hui, qu'une religion non chrétienne est une religion qui égare plus qu'elle n'éclaire,
a) parce qu'elle est une religion, dans l'ensemble, erronée, même si elle comporte des éléments de vérité entourés d'erreurs,
et
b) parce qu'elle n'est pas LA seule vraie religion, LA seule religion révélée, par le Fils unique du seul vrai Dieu ?
6. La combinaison entre DH et NA entretient donc, à mes yeux, une confusion tragique, y compris dans l'esprit de bon nombre d'évêques, qui s'expriment, en tout cas, comme si cette confusion était présente en eux :
a) l'Eglise reconnaît que les croyants non chrétiens ont juridiquement la possibilité d'adhérer à telle ou telle religion non chrétienne,
et
b) l'Eglise reconnaît que les religions non chrétiennes comportent des éléments de vérité, et les apprécient notamment pour cette raison,
" DONC "
c) les croyants non chrétiens ont un positionnement confessionnel INCONTESTABLE, au sens de : NON CONTESTABLE, puisqu'il est caractérisé à la fois par une possibilité juridique ET par une légitimité spirituelle,
et
d) d'une part, les religions non chrétiennes sont donc quasiment INCRITICABLES, incriticables, d'une manière explicite, dans leurs principes et fondements, EN TANT QUE RELIGIONS GLOBALEMENT ERRONEES,
e) d'autre part, les croyants non chrétiens sont donc quasiment INEXHORTABLES, inexhortables, d'une manière explicite, à la conversion en direction de la religion chrétienne, EN TANT QUE SEULE VRAIE RELIGION REVELEE.
Dans les faits, il me semble donc que la combinaison entre DH et NA est une extraordinaire instance de légitimation du fidéisme appliqué aux religions non chrétiennes.
Et le fait que ce fidéisme appliqué soit tempéré par l'humanisme appliqué qu'est l'humanisme des droits de l'homme ne change pas grand chose au caractère potentiellement suicidaire de cette combinaison.
"Chacun croit, croit, croit, en c'qu'il croit, croit, croit."
Bonne journée.
Scrutator.