cher Signo,
Après avoir pris le temps de lire vos deux intéressants messages, il se découvre que nous sommes plutôt d'accord sur la question du célibat des prêtres: elle se discute; une abolition pure et simple ne résoudrait pas tous les problèmes; l'absence de vœux formulés de manière aussi rigoureuse que dans la vie religieuse fait que le célibat des prêtres peut être aujourd'hui un refuge à l'égoïsme ou à une vie trop solitaire ou trop libre; la vie des prêtres en petite communauté ou fraternité améliorerait beaucoup de choses. C'est du reste un des points sur lesquels mgr Lefebvre a beaucoup insisté avec les prieurés qu'il a mis en place en fondant la FSSPX chère à beaucoup de nos coliseurs, et il n'a pas cru le faire au détriment de la cure d'âme, sans compter que la nouvelle répartition des paroisses en communauté de paroisses plaiderait en ce sens et marquerait un moment providentiel pour s'engager dans cette réforme. Je remarque que là où cette vie communautairene a lieu, les prêtres sont plus équilibrés; là où les prêtres s'y montrent réfractaires, une certaine tendance à l'autocéphalité se développe, et les prêtres qui ont peu de contacts avec leurs confrères les connaissent mal ou en jugent mal, et n'ont pas de rapports aussi charitables que devrait en marquer l'appartenance au même presbyterium. La vie en communautépeut prémunir de beaucoup de dérives et de tentations de doubles vies qui n'existent pas qu'en Afrique. Mais plus important encore, dans le cas qui nous occupe, il y a fort à parier que si le cardinal Barbarin avait pu saisir des prêtres avec lesquels il aurait vécu, le soir à table, d'un profil de prédateurs comme celui du P. Preynat, il aurait bénéficié de bons conseils qui lui auraient permis d'appréhender différemment cette affaire. La vie des prêtres en fraternités, faisant par exemple des vœux de célibat renouvelables deux fois avant un engagement définitif dans cette voie, pourrait être une bonne réforme et une première alternative. Le clergé pourrait se fixer comme objectif qu'elle concerne 90 % des prêtres séculiers désirant rester célibataires, les 10 % restants s'engageant à être irréprochables, s'ils ne se sentent pas faits pour la vie en communauté.
Mais une autre formule devrait permettre à des prêtres mariés d'accéder au sacrement de l'Ordre et peut-être être ouverte aux prêtres qui régulariseraient par le mariage une situation ancienne et stable de vie concubinaire ancienne. Pourquoi, en répondant aux objections contenues dans votre analyse?
-Parce que les solutions les plus simples sont souvent les meilleures. Je veux bien que la crise des vocations soit avant tout une question de foi, mais la difficulté d'une vie trop solitaire dans un monde hypersexualisé, de s'engager dans un modèle de vie exposé à trop de dérives, peut retenir beaucoup de candidats dont il est visible, même une fois ordonnés, qu'ils feraient de très bons maris et de très bons pères, en même temps que de bons prêtres qui, à défaut de pouvoir assumer cette vie matrimoniale et familiale, deviennent parfois rigides, comme diraient le pape François, ou ont des sautes d'humeur ou de caractère que seul une vie par trop privée de manifestations d'affection explique.
-Le modèle des prêtres mariés n'existe pas en Occident. Si on veut lui donner une chance de s'enraciner, il faut lui permettre d'exister.
-Ce que vous dites de la femme qui doit épouser le prêtre et doit être bien choisie pour le suivre dans son ministère est très vrai, mais me semble en partie résolu, outre les pistes que vous proposez, par le discernement que l'on pratique, avant l'ordination d'hommes mariés pour le ministère diaconal, pour insister auprès du couple sur le fait que ce ministère implique un engagement conjugal. Les femmes de diacres sont souvent des personnes remarquables, dotées de toutes les qualités que vous détaillez.
-Je ne crois plus que la question de la mobilité d'un couple se pose comme par le passé. La société a obligé tout le monde à devenir beaucoup plus mobile, et cela concerne aussi les couples catholiques, dont il n'est pas rare de voir des familles partir pour un tour du monde, des aventures humanitaires ou des changements complets de vie et d'affectation, ce qu'elles semblent faire avec beaucoup de bonheur.
-Le mariage est en crise, et cette crise concerne même les époux catholiques. Autant dire que des prêtres qui se marieraient aujourd'hui n'auraient pas un train d'avance, et c'est heureux. Les prêtres qui s'engageraient dans le mariage se devraient d'être des époux exemplaires, dont les unions seraient scrutées et qui devraient être tissées par la ferveur et la foi des deux époux sans que ceci devienne une objection dirimente, si l'épouse est dotée de qualités humaines et d'un engagement social qui inspire confiance pour un mariage indissoluble. Il est probable que, dans un premier temps, un prêtre qui divorcerait devrait faire face à des sanctions dans son ministère pour prévenir les abus, et être astreint à au moins une ou deux années de retraite dans une communauté religieuse de vie régulière. Il devrait également s'engager à ne plus se remarier.
Tout cela ne prétend pas régler la question du célibat des prêtres, mais seulement proposer des éléments de réflexion que nous ne serons pas les premiers à mettre sur la table.
Cordialement,
Le torrentiel