1- Quand vous dîtes que "l'Eglise interdit à ses prêtres toute forme de sexualité"... non. L'Eglise leur demande la chasteté, qui est bien plus que seulement une "interdiction de la sexualité". Et elle le demande aux prêtres comme aux moines, comme aux laics célibataires...
2- Vous dîtes que l'Eglise "féminise, puis émascule ses prêtres. Elle les féminise : elle les habille en robe. Elle les émascule : elle les fait se prendre pour des épouses du Christ". Là, vous exposez un préjugé très actuel et très répandu aujourd'hui, mais complètement faux.
D'abord, l'idée que la soutane et que la robe est un vêtement féminin est très récente. Sous l'Ancien Régime, il y avait quantité de catégories d'hommes qui portaient une robe, par exemple les magistrats (d'où l'expression, "noblesse de robe"). Le clergé n'en avait pas l'exclusivité. En réalité la soutane est en fait plus proche (dans l'esprit, à défaut de l'être dans la forme) de la toge virile romaine, ou plus encore de la tunique sans couture du Christ, que de la robe de femme; elle est donc bien un habit masculin. (Dit-on que la Justice "émascule et féminise" les magistrats? Non). Aujourd'hui, le clergé orthodoxe porte aussi une sorte de soutane très proche de la soutane romaine (y compris les prêtres mariés d'ailleurs), et pourtant il n'y a pas de "crise d'identité" du prêtre chez les orientaux, que je sache (est-ce dû uniquement au port de la barbe? Pas sûr...).
3- Ensuite, l'Eglise n'a jamais enseigné, comme vous le dites, que le prêtre est "l'épouse du Christ". L'Eglise est l'Epouse du Christ (mais les laics font partie de l'Eglise autant que les prêtres!), une religieuse est l'Epouse du Christ. Mais le prêtre lui EST le Christ, alter Christus, ipse Christus, il est l'icône du Christ, qui était bien un homme, au sens de vir, masculin. Il n'y a donc aucune ambiguité sur ce point.
Dans la théologie traditionnelle, le prêtre est donc bien LA figure virile par excellence, image de la virilité du Christ bien clairement assumée, par exemple, dans l'image du Christ Pantocrator qui orne les absides des églises romanes et byzantines. Mais la virilité du Christ ne s'exprime pas dans la puissance sexuellement active, mais par une autorité à la fois ferme et douce qui s'exerce dans la chasteté. L'Eglise invente donc une nouvelle conception de la virilité, fondée sur la sereine habitation de la Vérité et non sur la brutalité barbare et primaire. Cette virilité du Christ -et donc du prêtre- était encore soulignée dans la liturgie: lorsque l'on lit la Passion en latin, les paroles du Christ sont toujours prononcées d'une voix très grave et virile.
Encore dans les années 1950, il y avait encore dans les représentations quelque chose de cette gravité et de cette virilité dans la figure du prêtre (voire le film Léon Morin, prêtre). Mais déjà, l'imagerie néo-sulpicienne des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles (à laquelle correspond une liturgie post-tridentine en phase de décadence avancée, surchargée de fioritures précieuses et de dentelles...) rompait avec la grave virilité de l'iconographie traditionnelle (romano-byzantine) et imposait une figure quelque peu dévirilisée du Christ, de plus en plus mièvre et larmoyante. Aujourd'hui, la figure du prêtre moderne est totalement dévirilisée (il n'est plus qu'un personnage évanescent, gentillet, qui verse dans la compassion pure mais n'affirme plus rien avec autorité et fermeté), ce qui apparaît très bien dans cet extrait de film relativement récent: un prêtre efféminé en clergyman... mais le "faux" prêtre, viril lui, adopte bien la soutane et non le clergyman... tout un symbole!
La réalité est que le lieu où l'identité du prêtre s'exprime par l'excellence est la liturgie, et que la crise de la liturgie entraîne une crise de l'identité sacerdotale dont la dévirilisation est l'un des aspects les plus visibles. Cette dévirilisation ne touche d'ailleurs pas que les prêtres mais la population masculine dans son ensemble dans les sociétés occidentales, ce qu'a bien démontré (un peu maladroitement mais assez justement au fond) Eric Zemmour dans Le Suicide français.
Voilà, je ne suis pas un spécialiste de l'identité sacerdotale, mais il me semblait nécessaire de corriger certaines pseudo-analyses de comptoir qui sont en fait de franches contre-vérités, autant sur le plan historique, que culturel et théologique. Mme Pedotti, en bonne "théologienne" progressiste, ne fait qu'exprimer des idées à la mode et ne comprend en réalité rien à la théologie catholique.
Pour illustrer mon propos quelques illustrations:
Iconographie romano-byzantine
Iconographie néo-sulpicienne: