Je voudrais rebondir sur la notion d'"ordre public juste" que vous évoquez.
Il suffit d'interpréter l'expression "iustus ordo publicus" de Dignitatis Humanae comme étant l'équivalent de "bien commun" pour que DH s'harmonise sans difficulté avec l'enseignement traditionnel de l'Eglise sur la liberté religieuse.
Souvent "Iustus ordo publicus" est interprété comme signifiant "la paix publique" ; même avec ce sens une harmonisation avec le magistère des papes antéconciliaires demeure possible. En effet, les scolastiques définisent la paix comme "la tranquilité dans l'ordre", et il n'y a pas d'ordre véritable sans respect de la vérité morale et religieuse.
Si on interprète "iustus ordo publicus" comme "bien commun", l'harmonisation avec le magistère des papes antéconciliaires est encore plus aisée. En effet, Gaudium et Spes précise au sujet du "bien commun" :
"Il s'ensuit [...] que l'exercice de l'autorité politique, soit à l'intérieur de la communauté comme telle, soit dans les organismes qui représentent l'Etat, doit toujours se déployer dans les limites de l'ordre moral, en vue du bien commun (mais conçu d'une manière dynamique), conformément à un ordre juridique légitimement établi ou à établir. Alors les citoyens sont en conscience tenus à l'obéissance."
A partir de cette définition large du "bien commun" nous pouvons interpréter de la sorte DH : l’état se doit de protéger et promouvoir le bien commun; le bien commun inclut la notion de perfectionnement moral et religieux. L’état doit donc aider, autant que faire se peut, ses citoyens à réaliser leur salut en ôtant, dans les limites dictées par la prudence, tout ce qui nuit à leur perfectionnement, notamment en protégeant et promouvant la seule véritable Eglise du Christ.
Cette interprétation correspond-elle à l'intention des auteurs de ce document ? Non, ceux-ci l'entendait dans le sens restraint de "paix publique", et le Père Murray qui a été un des principaux inspirateurs de DH considérait que l'état n'avait pas la fonction de promouvoir le bien commun. Cette affirmation contredit Gaudium et Spes et peut donc être rejetée dans un souci d'harmonisation entre DH et les autres documents du concile.
Quelle qu'ait été l'intention des auteurs de DH, il demeure que la Providence n'a pas permis qu'un texte hérétique pût être promulgué par un Concile Oecuménique (même simplement "pastoral") et il suffirait d'ajouter une simple "nota previa" pour que disparaisse l'ambiguïté propre à ce document.
Une dernière remarque que ne manqueront pas de formuler les partisans (de gauche comme de droite) de la discontinuité doctrinale : si DH ne fait que répéter le magistère des papes antéconciliaires, quelle est son utilité ? C’est peut-être là que se trouve la limite de cette interprétation... mais cette limite n'est-elle pas tout bonnement celle de ce concile atypique qui n'a rien voulu définir ?
Catéchisme de l'Eglise catholique :
2108 Le droit à la liberté religieuse n’est ni la permission morale d’adhérer à l’erreur (cf. Léon XIII, enc. " Libertas præstantissimum "), ni un droit supposé à l’erreur (cf. Pie XII, discours 6 décembre 1953), mais un droit naturel de la personne humaine à la liberté civile, c’est-à-dire à l’immunité de contrainte extérieure, dans de justes limites, en matière religieuse, de la part du pouvoir politique. Ce droit naturel doit être reconnu dans l’ordre juridique de la société de telle manière qu’il constitue un droit civil (cf. DH 2).
2109 Le droit à la liberté religieuse ne peut être de soi ni illimité (cf. Pie VI, bref " Quod aliquantum "), ni limité seulement par un " ordre public " conçu de manière positiviste ou naturaliste (cf. Pie IX, enc. " Quanta cura "). Les " justes limites " qui lui sont inhérentes doivent être déterminées pour chaque situation sociale par la prudence politique, selon les exigences du bien commun, et ratifiées par l’autorité civile selon des " règles juridiques conformes à l’ordre moral objectif " (DH 7).
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