Plusieurs choses:
D'abord, l'argument consistant à dire "ce qui ont fait le Concile sont aussi ceux qui l'on appliqué" est partiellement faux et donne une image faussée de la réalité.
D'abord, il faut savoir que SC a été écrite par des experts (comme tous les Conciles), puis amendée et approuvée par l'ensemble Pères (quasiment à l'unanimité d'ailleurs). Elle a donc une qualité théologique qu'un évêque pris seul ne peut pas atteindre. La plupart des évêques ne sont pas liturgistes.
Ensuite, vous ne prenez pas en compte la question de l'emballement et de la course en avant qui explique qu'entre SC et ce qui se faisait sur le terrain, il n'y a pas seulement des différences, mais sur bien des points une opposition frontale.
Quand les évêques sont retournés dans leurs diocèses pour appliquer le Concile, ils ont été confrontés à la quasi-unanimité de toute une génération totalement (ou presque) acquise à une révolution dans l'Eglise. Cette génération (l'essentiel du jeune clergé, encore nombreux à l'époque, et la plupart des laïcs engagés) avait projeté sur le Concile ses aspirations révolutionnaires et attendait de cet événement qu'il réalise ce fantasme. Le Concile réel a pour eux été une grosse déception, ou plus exactement, ils n'ont pas voulu le lire tel qu'il était mais ils se sont contenté de reprendre les quelques concessions, d'ailleurs très limitées (notamment sur le vernaculaire) pour leur donner une interprétation outrancière, en oubliant tout le reste.
La lecture du Concile a donc été faussée dès le début. On peut même raisonnablement dire qu'il n'y a jamais eu réelle lecture du Concile. Par exemple, la plupart des fidèles sont aujourd'hui persuadés que le Concile a supprimé le grégorien, alors qu'en réalité il le promeut, et que le Concile a demandé le "face au peuple", alors que SC n'en dit pas un mot...
Dans ce contexte, les évêques, qui non seulement n'étaient pas liturgistes, mais en plus n'avaient jamais eu de réelle formation liturgique (inexistante dans les séminaires à l'époque), se sont tout simplement laissés emporter par le tsunami progressiste et l'immense soif de "libération" qu'il portait.
Enfin, cette génération d'évêques, complètement dépassée et habituée à la société stable et routinière héritée du XIXe siècle, a très vite été remplacée par des clercs totalement acquis aux idées révolutionnaires.
En outre, vous acceptez comme un fait acquis que le progressisme virulent des années 1970, c'est l'esprit du Concile. Donc vous avalez la doxa progressiste telle quelle, sans même tenter de l'analyser et de vérifier, par l'étude des textes conciliaires, si c'était vraiment ça, "l'esprit du Concile".
Pourtant, il est évident que cette analyse est fausse sur toute la ligne.
Prenons un exemple: le chant grégorien.
Si le Concile avait voulu (comme beaucoup le disent ici) entériner la disparition du chant grégorien, il aurait adopté l'une des attitudes suivantes:
- soit il n'aurait tout simplement pas évoqué le grégorien (comme TOUS les autres Conciles de l'histoire). De fait, il y avait des pays entiers à l'époque où le grégorien n'était quasiment jamais chanté dans la liturgie (notamment dans beaucoup de régions en Allemagne, où l'on chantait des Singmesse sous la forme de cantiques allemands au cours de la liturgie, et non du grégorien). Parler du grégorien n'apparaissait donc pas automatiquement comme une obligation;
- soit il l'aurait évoqué rapidement dans un phrase lapidaire du style: "au cours de la liturgie, on pourra chanter du grégorien, ou bien un autre type de chant..."
Sauf que ce n'est pas ce que dit le Concile.
Le Concile dit deux choses:
- que le chant grégorien est le chant PROPRE de la liturgie romaine; autrement dit, il est consubstantiel à ce rite, il est la liturgie romaine sous sa forme chantée; ça, c'est la "lettre". L'esprit qu'il faut voir derrière cette "lettre", c'est que si on omet de chanter la liturgie en grégorien alors qu'on a en les moyens, on ampute la liturgie de quelque chose qui lui appartient en propre.
- ensuite, il est écrit que, puisque le chant grégorien est le chant propre de la liturgie romaine, ALORS il doit occuper la première place.
Que veut dire "première place"? Pour moi, c'est très clair: cela signifie qu'a minima l'ordinaire de la Messe doit être systématiquement chanté en grégorien, et ce non pas lors d'une messe grégorienne célébrée tous les quatre dimanches à 8h du matin, mais au cours de la grande messe paroissiale, celle qui rassemble le gros de la communauté. Ca, c'est l'esprit du Concile!
Vous voyez qu'on est quand même à plusieurs ANNEES-LUMIERES de ce qui a été fait dans les diocèses...
Et je pourrais prendre beaucoup d'autres exemples. Il résulte de cette démonstration que le type d' exemples de messes en forme ordinaire que j'ai donné est le seul type de messe fidèle aux enseignements conciliaires et à l'esprit de la réforme liturgique.