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Suppléance pour tous les sacrements?
par Astorg 2014-02-28 04:23:11
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L'existence d'une juridiction de suppléance est absolument nécessaire pour la validité et à pour la licéité de deux sacrements: le mariage et la Pénitence; s'agissant de cette dernière, on peut voir pourquoi ici. Dans l'administration de ces deux sacrements, qui ont cristallisé pour la FSSPX beaucoup de difficultés, réelles ou supposées mais extrêmement visibles, la suppléance est un rouage essentiel.

Le cas des cinq autres sacrements, dont la confirmation, est différent, comme je le dis dans ma réponse à la question posée par Meneau dans ce même fil de discussion: la validité du sacrement ne dépend pas de la possession, ou non, par le ministre d'une juridiction de suppléance.

Le problème posé s'applique pourtant bien à tous les sacrements, mais sous l'angle de la licéité. Dans la Somme théologique, saint Thomas le résume ainsi:

Par le fait que quelqu'un est suspendu ou excommunié ou dégradé par l'Eglise, il ne perd pas le pouvoir de conférer le sacrement (validité), mais la permission d'user de ce pouvoir (licéité).

C'est pourquoi il confère vraiment le sacrement, mais il pèche en le conférant. De même celui qui reçoit de lui le sacrement : car il ne reçoit pas la grâce du sacrement à moins d'être excusé par l'ignorance" (IIIa pars, q. 64, a. 8 et 9)


Pour autant, comme vous le faites remarquer, la notion de suppléance, dont la nécessité et l'exercice sont bien balisés et abondamment commentés s'agissant de la Pénitence et du mariage, le sont moins, voire pas du tout, s'agissant des autres sacrements, alors même que la FSSPX, vous avez raison là encore de le souligner, fait appel à cette notion chaque fois que l'exercice par ses membres de leur ministère se heurte à un obstacle de nature juridique qui, sans infirmer leur action au point de la rendre potentiellement invalide, la rend du moins irrégulière ou illicite. Beaucoup d'actes ont de plus été consciemment posés par l'autorité ecclésiastique (suspenses a divinis, excommunications d'abord fulminées puis "levées", refus d'affecter ou de prêter des lieux de culte, retrait d'incardination pour ceux qui, comme Mgr Ducaud-Bourget, la possédaient avant leur dissidence), etc., qui ont eu comme conséquence, et parfois comme objectif, de diminuer la sécurité juridique du cadre dans lequel la FSSPX exerce son apostolat. [Et, il convient de le relever et de s'en réjouir, à côté de ces mesquineries, beaucoup d'initiatives individuelles charitables allant jusqu'à la mise à disposition de lieux de culte, comme à la Réunion, ou la permission donnée à des prêtres diocésains pour officier avec des prêtres de la FSSPX à des mariages.]

La FSSPX a toujours affirmé la licéité de l'ensemble des actes accomplis par ses membres dans le cadre de leur apostolat, même ceux dont la validité n'est suspendue à la possession d'une juridiction de suppléance.

On peut d'abord remarquer que cette affirmation est conforme, dans son esprit, au droit public de l'Eglise, qui sait que la mission dont elle est investie dépasse le cadre canonique qu'elle fixe à ses sujets. Les lois divines de la grâce ne sont pas totalement enfermées dans les codifications canoniques et les prescriptions ecclésiastiques et le canon 1752 du nouveau code de droit canonique formalise cette reconnaissance en énonçant que

le salut des âmes […] doit toujours être dans l'Église la loi suprême.


Cette priorité donnée au salut des âmes induit un droit, pour les fidèles viateurs, à avoir effectivement accès à des sacrements leur permettant de se sanctifier et de faire leur salut. A cet effet, le can. 682 du code pio-bénédictin dispose que

Les laïcs ont le droit de recevoir du clergé les biens spirituels, surtout les secours nécessaires au salut.


Le code de 1983 contient une disposition comparable, au can. 213:

Les chrétiens ont le droit de recevoir du clergé les biens spirituels, surtout l'enseignement de la Révélation et les sacrements.


À ce droit des fidèles correspond, chez les prêtres, le devoir de charité imposé par le droit divin naturel et positif, qui les oblige, sous peine de péché mortel, à secourir les âmes dans ce grave état de nécessité spirituelle. Et aucun pouvoir ne peut s'opposer à ce devoir. En effet, comme le fait remarquer saint Thomas:

Les dispositions du droit humain ne peuvent jamais contrarier le droit naturel, ni le droit de Dieu (Summa. Theol., Ia IIae q. 66 a. 7).


Or le code de droit canonique prévoit certains cas précis où s'applique une suppléance: le code de 1917, auquel la FSSPX se réfère en général, supplée expressément à la juridiction dans trois cas: le péril de mort (can. 882), l’erreur commune (can. 209) et le doute positif et probable de droit ou de fait (can. 209).

Pour autant, le droit positif de l'Église ne présente pas, à l'évidence, tous les cas d'exception possibles. À partir de ce principe fourre-tout, Ecclesia supplet au nom duquel, il faut le reconnaître, on peut faire à peu près tout, Mgr Lefebvre a compris la nécessité de fixer un ensemble de règles devant servir de base légale, si l'on peut dire, à l'action de membres de son oeuvre. Elle a d'abord été matérialisée par une lettre envoyée à ses prêtres le 27 mars 1987, dans laquelle il dessinait les modalités générales d'application de ce droit des fidèles à recevoir, dans un régime de suppléance, des sacrements susceptible de concourir efficacement à leur sanctification et à leur salut:

Or ils ne les reçoivent plus du clergé progressiste actuel, l'enseignement conciliaire mène à la perte de la foi et à l'apostasie ; la grâce est-elle encore donnée par les rites en évolution continuelle ? On peut vraiment se le demander. Les fidèles encore catholiques sont pour beaucoup dans une situation spirituelle désespérée.

Notre rôle est donc de multiplier les prêtres catholiques qui puissent aller à leur secours pour leur procurer la foi catholique et la grâce du salut. C'est cet appel, dans leur situation tragique, que l'Eglise entend et c'est dans ces circonstances qu'elle nous donne juridiction.

C'est pourquoi il me semble que nous devons surtout nous rendre là où l'on nous appelle et ne pas donner l'impression que nous avons une juridiction universelle, ni une juridiction sur un pays ou sur une région. Ce serait baser notre apostolat sur une base fausse et illusoire.

C'est pourquoi également, si d'autres prêtres subviennent normalement aux besoins des fidèles, nous n'avons pas à nous immiscer dans leur apostolat mais nous réjouir que d'autres prêtres catholiques se lèvent pour sauver les âmes.

La Providence, dans l'état actuel des choses, nous invite à nous rendre là où l'on nous appelle, c'est la seule réponse valable que l'on puisse faire aux autorités qui nous reprochent nos implantations et nos ministères.


La pratique de la FSSPX dans l'exercice de cet apostolat de suppléance a évolué depuis 1987; mais le caractère, intrinsèquement éphémère puisque lié à un état de nécessité, de la suppléance s'est toujours opposé à une codification trop publique, trop détaillée ou trop affirmée. On peut quand même en dresser quelques grandes lignes:

1. elle est de type personnel plutôt que territorial;
2. elle n’est pas habituelle mais actuelle (per modum actus ou au coup par coup, dans l’acte sacramentel lui-même) ;
3. elle dépend du besoin des fidèles, vue la situation de nécessité;
4. elle existe même dans le cas où, de fait, il n’y a pas nécessité, en vertu de ce qu'on peut appeler une présomption de péril commun.

Possèdent, en tant que de besoin, une juridiction de suppléance sont tous les évêques et tous les prêtres fidèles à la tradition (même excommuniés, cf. can. 2261, ceci dit comme argument ad hominem), pour l’exercice licite ou valide des actes du ministère épiscopal ou sacerdotal.

Les évêques de la Fraternité, enfin, dépourvus comme on l'a vu de toute juridiction territoriale, ont néanmoins la juridiction supplétoire nécessaire pour exercer les pouvoirs attachés à l’ordre épiscopal et certains actes de la juridiction épiscopale ordinaire.

Ceux qui souhaiteraient aller plus loin pourraient utilement consulter L’usage de la juridiction supplétoire et des facultés déléguées par la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, intéressant article publié, en 2002, par Laurent Kondratuk, alors doctorant à l'Université de Strasbourg.

     

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 Confirmations invalides ? par Paterculus  (2014-02-26 21:51:23)
      Purement et simplement invalides par Père M. Mallet  (2014-02-26 21:56:35)
          Ben... par jejomau  (2014-02-26 22:41:41)
              Croyez-vous vraiment... par Paterculus  (2014-02-26 22:48:57)
              Le canon 883 traite de l'aspect juridiction par Père M. Mallet  (2014-02-26 22:55:52)
                  Rectif. : sont équiparés à l'évêque diocésain... par Père M. Mallet  (2014-02-26 23:37:00)
                      Vicaire général ? par Astorg  (2014-02-27 06:09:42)
                          Bonne question : il semblerait que non par Père M. Mallet  (2014-02-27 09:17:21)
                              Gloups alors par Astorg  (2014-02-27 16:58:23)
                                  La question est donc réglée pour vous ; mais il est possible que... par Père M. Mallet  (2014-02-27 17:17:28)
                                  Suppléance par Nemo  (2014-02-27 18:35:56)
                                      Satanés Torquemadas par Astorg  (2014-02-27 20:27:27)
                                          Mélange par Meneau  (2014-02-27 20:55:00)
                                              Je suppose que Nemo et Astorg parlaient de 2 choses différentes : par Père M. Mallet  (2014-02-27 21:06:37)
                                                  Suppléance pour tous les sacrements? par Astorg  (2014-02-28 04:23:11)
                                                      Juridiction ? par Meneau  (2014-02-28 10:20:08)
                                                          PS : question subsidiaire par Meneau  (2014-02-28 10:24:52)
                                                              Mea culpa par Astorg  (2014-03-01 15:51:17)
                                                                  Le même raisonnement peut-être par Ritter  (2014-03-01 16:08:57)
                                                                      Pouvoir de juridiction des prêtres orthodoxes par Astorg  (2014-03-01 20:38:11)
                                                                  La première suppléance de l'histoire par Ritter  (2014-03-01 16:17:35)
                                                          Puis-je vous renvoyer à ce lien extérieur? par Astorg  (2014-03-01 15:30:09)
                                                              Mais par Meneau  (2014-03-01 18:14:29)
                                                                  Et en plus par Meneau  (2014-03-01 18:23:49)
                                                                      Oui par Astorg  (2014-03-01 20:10:22)
                                                                          Souvenons nous de l'affaire corse par Ritter  (2014-03-01 23:46:19)
                                                                              Confirmation d'enfants de fidèles de la FSSPX par l'ordinaire par Astorg  (2014-03-02 19:44:43)
                                                                                  Merci de votre réponse par Ritter  (2014-03-02 20:54:54)
                                                                                      J'ai trouvé par Ritter  (2014-03-02 21:10:51)
                                                                                          La position dans laquelle s'est trouvé l'abbé Mercury par Astorg  (2014-03-02 21:39:31)
                                                                                              Je suis d'accord avec vous. par Ritter  (2014-03-02 22:51:27)
                                                                                                  La FSSPX n'a pas refusé la juridiction de l'ordinaire par Astorg  (2014-03-02 23:05:14)
                                                                                                      Vous ne répondez pas à la question par Ritter  (2014-03-03 01:26:27)
                                                                                                          Qu'entend-on par "refuser l'ordinaire"? par Astorg  (2014-03-03 10:19:34)
                                                                                                              Merci par Ritter  (2014-03-03 10:47:16)
                                                                                                                  Je vous en prie par Astorg  (2014-03-03 12:39:45)
                                                                                      La FFSSPX n'a pas contesté la jurisdiction de Mgr Bonfils par Astorg  (2014-03-02 21:20:40)
                                              Oups! Précisions complémentaires par Astorg  (2014-02-28 02:10:41)
                                                  Parfait ! par Meneau  (2014-02-28 09:55:56)
                              Le commentaire du canon 479 se termine en disant : par Père M. Mallet  (2014-02-27 20:01:01)
      Confirmation ? par Chicoutimi  (2014-02-27 00:20:10)
          Registres par Paterculus  (2014-02-27 19:52:28)


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