Les interventions des évêques polonais, et la démarche personnelle que Mgr Wojtyla entreprit de surcroît auprès du porte-parole officiel de la Commission, concernaient essentiellement la définition de l'"ordre public". Après avoir invoqué d'autres critères dans les version antérieures, à partir du texte D [du schéma], on préféra la formule "l'ordre public selon des normes juridiques", et ceci sous l'infuence de Mgr Pavan. Mais un grand nombre d'évêques, qui devaient subir l'arbitraire des régimes communistes, estimaient cette formulation inadmissible parce que ces régimes se retranchaien précisément sous le couvert de "l'ordre public" pour imposer leur arbitraire. L'allocution impressionnante que le cardinal Wuszynski prononça in aula le 20 sept 1965 indique clairement à quel point le primat polonais craignait que la déclaration ne reçoive dans son pays une interprétation falsifiée, qui serait invoquée pour contrer la liberté des croyants. La Commission conciliaire compétent, en l'occurrence le Secrétariat pour l'unité, se montra très sensible à ces objections : sur ce seul point nous avons remarqué des corrections textuelles dans quatre paragraphes du schéma (18).
SUivant le témoignage de Mgr De Smedt, le dernier changement au paragraphe 7 est réalisé à la demande de Mgr Wojtyla, avec la volonté de faire référence à la loi naturelle. Mais, selon ce même témoins, il y a plus. A la veille de l'achèvement de la révision du texte E (mi-octobre 1965?), le relator du schéma reçut la visite personnelle de l'archvêque de Carcovie, qui voulait recommander à l'attention de la Commission toute une liste d'objections polonaises. Sans qu'il intervienne formellement au nom de ses collègues polonais, Karo Wojtyla désirait néanmoins obtenir un certain nombre d'améliorations textuelles qui auraient dissipé la défiance des pères polonais et gagné leur soutien lors des votes importants de la fin du mois d'octobre 1965. C'est à partir de là qu'a eu lieu une négociation pour aboutir à un accord.
Du fait que les amendements des pères polonais concernant "l'ordre public" paraissent disséminés tant dans le texte F que dans le E, on peut en déduire que les critiques ne s'étaient pas complètement apaisées avec ce texte E. Bien que, pour le moment, des précisions chronologiques nous fassent défaut, l'ensemble des faits ici rassemblés indique avec suffisamment de clarté l'apport propre de MGr Wojtyla à la discussion et au travail rédactionnel de la déclaration conciliaire sur la liberté religieuse.
(18) : ces corrections concernent :
1. Aux paragraphes 2, 3 et 4 du texte F, la mention de "ordo publicus" est précisée chaque fois par l'adjonction de l'adjectif "justus"; en 2 : justus ordo publicus, en 3 : justo ordine publico, et en 4 : justae exigentiae ordinis publicus; voir J.Hamer, Histoire du texte de la Déclaration (n.17), p101
2. Dans le même ordre d'idées, au paragraphe 7, les mots "curam pacis publicae" sont complétés dans le texte E par l'ajout de "isitus honestae (pacis publicae"; la paix publique ne consiste pas seulement en l'absence de désordre, mais elle est une paix publique honnête qui repose sur une vraie justice; voir P.Pavan, Einleitung und KOmmentar, p729.
Actes et acteurs à Vatican II, J.Grootaers, Presses universitaires de Louvain, 1998
Soutenir le Forum Catholique dans son entretien, c'est possible. Soit à l'aide d'un virement mensuel soit par le biais d'un soutien ponctuel.
Rendez-vous sur la page dédiée en cliquant ici.
D'avance, merci !