Vous savez, cette bonne vieille terre habitée par des gens, nos contemporains, pas des concepts scolastiques comme le "roi" ou "prince" de chrétienté auquel se référait saint Thomas puisque c'était son monde, sa terre, ses gens.
Le personnage pour saint Thomas n'est pas une abstraction mais il l'est devenu pour nous et c'est ce que Meneau, N.M., M. Parfu, Vianney et alii s'obstinent à ne pas prendre en compte.
Meneau nous a cité Ci riesce qui balance entre un droit théorique réaffirmé (la thèse du Syllabus) et un état de fait auquel le pape applique la notion de "tolérance" (l'hypothèse) mais qui correspond à l'état du monde depuis 150 ans à l'époque, plus de 200 maintenant.
La grande "révolution" de 1965 est d'avoir appelé "droit" en raison de la dignité de la personne humaine ce qui était communément admis et pratiqué par l'Église sous le mot "tolérance".
N.M. le confirme avec cette phrase de 1950 qui fait comme si ... :
"là où de telles circonstances n'existent pas, les droits de la vérité doivent être maintenus, et les hommes préservés de l'erreur."
Mais nulle part en 1950 on était dans ce cas de figure a fortiori en 1965 et plus encore en 2011.
Partout sur terre, nous sommes dans le cas présenté comme l'exception, la dérogation en 1950 : "là où les circonstances le conseillent".
Ce qui frappe le terrien que je suis, à la différence de certains esprits venus d'une autre galaxie qui débatent de ce sujet, c'est qu'il n'y a de facto aucun enjeu réel à cette disputatio lexicale. Quoi que disent les farouches partisans de la "tolérance", quoique pensent les opiniâtres tenants du "droit", les habitants de cette terre ont tranché : la chrétienté sacrale n'existe plus depuis longtemps, 150 ans au moins avant D.H., et on s'en éloigne chaque année un peu plus.
Et pourtant les partisans du mot "tolérance" ont-ils cessé de pratiquer leur religion ? Ont-ils renoncé à tout apostolat ? Le catholicisme français a-t-il disparu en 1802 quand la laïcité s'est installée dans ce pays ? Mgr Lefebvre était-il donc venu d'une autre galaxie lui qui n'a jamais vécu dans un "État catholique" si cher à nos amoureux de la "tolérance" et du Syllabus ?
Le concept qu'on nous présente comme une condition sine qua non de l'évangélisation, l'existence d'une État catholique exclusif des autres cultes, les Pères en 1965 ont pris en compte que ce n'était pas vrai, que l'évangélisation peut se développer sans cela, qu'on peut bien enseigner le premier commandement sans État catholique et heureusement car aucun des contradicteurs de Ion ne serait là si leur thèse était vraie sur terre, avec les gens tels qu'ils sont. Le catholicisme aurait disparu depuis 2 siècles.
Il ne faudrait pas en conclure que l'Eglise est indifférente au politique, qu'elle écarte entièrement l'État, la loi de son horizon. C'est faux. Le magistère post-conciliaire n'a eu de cesse, comme avant Vatican II, d'appeler à des lois compatibles avec la foi catholique, d'exhorter les hommes et femmes politiques à agir "en chrétiens" (pour reprendre la terminologie maritainienne), à réclamer pour l'Église un statut qui lui soit favorable pour remplir sa mission : bataille perdue par Paul VI contre le divorce en Italie, bataille perdue de Jean-Paul II pour l'inscription des "racines chrétiennes" dans la Charte européenne des droits, bataille aux USA avec la classe politique "catholique" "Pro-choice", prise de position récente sur la loi de bioéthique etc.
Jean-Paul II trace bien la position nouvelle - en terme de magistère oui, en terme de pratique non (cf. politiques concordataires de Léon XIII et Pie XI)- dans Ecclesia in Europa :
"20. Les Églises particulières en Europe ne sont pas de simples entités ou organisations privées. En réalité, elles déploient leur action dans une dimension institutionnelle spécifique qui mérite d'être mise en valeur sur le plan juridique, dans le plein respect du bon ordonnancement civil. Réfléchissant sur elles-mêmes, les communautés chrétiennes doivent se découvrir à nouveau comme un don par lequel Dieu enrichit les peuples qui vivent sur le continent. Telle est l'annonce joyeuse qu'elles sont appelées à transmettre à toute personne. En approfondissant la dimension missionnaire qui leur est propre, elles doivent attester constamment que Jésus Christ « est l'unique médiateur, porteur de salut pour l'humanité tout entière: en lui seulement l'humanité, l'histoire et le cosmos trouvent leur signification définitivement positive et se réalisent en totalité; il recèle en lui-même, dans son événement et dans sa personne, les raisons ultimes du salut; il n'est pas seulement un médiateur de salut, il est aussi la source même de ce salut ».36
Dans le contexte actuel du pluralisme éthique et religieux qui caractérise de plus en plus l'Europe, il est donc nécessaire de confesser et de proposer à nouveau la vérité sur le Christ, unique Médiateur entre Dieu et les hommes, et unique Rédempteur du monde."