son allocution à la Commission Théologique Internationale est une sorte de proclamation pachamamesque-Abou Dhabi-Kazakhstan au carré. Il faut rompre avec l'histoire du dogme, "l'indietrisme" (indietro en italien veut dire en arrière), avec la Tradition chrétienne, pour "innover" et le faire de préférence hors du christianisme.
Vous ne trouverez rien de tel chez Jean Paul II et Benoît XVI et moins encore chez Paul VI dont la théologie, j'ose l'écrire, est traditionnelle et néo-thomiste personnaliste. Paul VI a été, à mon sens, plus mis devant le fait accompli qu'il n'a été moteur.
Bugnini l'a manoeuvré très au-delà de ce qu'il voulait assumer : Louis Bouyer et d'autres l'ont montré amplement.
Est-ce un hasard si la bête noire des néo-catholiques californiens qui dominent est Humanae Vitae ? Encyclique diffusée et chaleureusement approuvée par Mgr Lefebvre en 1968.
Mais comme Benoît XVI après lui, Paul VI est un faible et, à la différence du pape allemand, Montini était aux commandes d'une Église en décomposition, où les relais habituels ne fonctionnaient plus nulle part.
Quand il approuve les 4 Prières eucharistiques en 1967, il y en a déjà plus de 50 documentées aux Pays-Bas et une écrasante majorité (3/4) des prêtres français interrogés en 1969 ne veulent plus de missel, plus d'Ordo Missae du tout : chacun ses messes ...
Benoît XVI disposait lui de relais mais n'a pas voulu les actionner.
L'actuel Pontife a toute la culture néo-jésuite que tous les papes Paul VI, Jean Paul II et Benoît XVI ont critiquée - tous - sans se faire obéir du tout, malgré la tentative réelle de Jean Paul II quand il a mis fin au généralat Arrupe. Réelle mais trop molle pour aboutir et sans suite autre qu'un retrait de la militante théologie de la Libération mais le pape polonais n'a pas vu que le néo-jésuitisme avait troqué sous Kolvenbach la justice sociale dévoyée pour le poison violent de l'interreligieux débridé.
La néo Société de Jésus, habile bien sûr, a coiffé le Pape avec sa propre maladresse pastorale insigne d'Assise.
Mais en bons néo-jésuites, ils ont fait cent fois pire qu'Assise.
Le MASTU est là depuis Kolvenbach et Carlo Maria Martini en a été l'éloquent avocat. Mais les néo-jésuites sont bien "épaulés" par les néo-dominicains (ah l'époque Radcliffe) et la mouvance franciscaine n'est pas en reste.
Le Kasper-Rahner français, formé à l'école lubacienne, est bien sûr néo-jésuite, Joseph Moingt sj, et il écrit dans son ultime livre paru en 2018 deux ans avant son décès, je cite via Wikipedia :
« La prétention du christianisme à être “religion de salut” est souvent comprise comme si la religion mettait le salut dans la pratique du culte et la croyance aux dogmes... »
Le Père Moingt s'adresse à « des lecteurs, croyants ou non, susceptibles de retrouver du « sens » au christianisme dès lors qu’ils le découvriront préoccupé des mêmes problèmes angoissants qu’eux, à savoir des menaces qui pèsent sur la planète, sur la qualité de la vie, sur le respect de la dignité humaine et de la fraternité des hommes entre eux, dès lors surtout qu’ils se verront convoqués sur ce terrain par les chrétiens...
Voilà ce qui a paru être l’enjeu de la révélation de Dieu dans la mise à mort d’un blasphémateur et de l’annonce du salut en lui et par lui, ... invitation à chacun à se juger lui-même par rapport au mal qu’un homme peut infliger à un autre au nom de sa religion, de ses idées, de sa philosophie, ou de ses intérêts. Ainsi l’esprit du christianisme, compris comme faculté du jugement, sera-t-il rendu à l’esprit de l’homme, indépendamment de sa religion, ... non revendication de propriété, mais partage d’un bien commun et appel à l’entraide. »
(L'Esprit du christianisme : religion, révélation et salut, éd. Temps Présent, 2018).
Aime comme tu le crois et fais ce que tu veux selon ton seul "jugement", c'est le principe du libéralisme absolu, à l'opposé, à mon sens de toute forme de christianisme historiquement incarné. Même Loisy n'aurait pas souscrit à cela, c'est dire.
N'y a-t-il pas là pas là en quelques lignes de grandes similitudes avec les axes du pontificat présent ?
Je crois qu'on est très loin de Paul VI (Evangelii nuntiandi 1975), très loin aussi de Jean-Paul II et Benoît XVI (co-auteurs de la déclaration Dominus Iesus en 2000). Très, très, très loin de Vatican II.