pour moi aussi (après lecture de quelques pages en ligne du livre). Conrad de Meester présente ainsi une lettre de Marthe Robin dont le texte, hormis les dernières lignes qui portent sur sa vie quotidienne, est intégralement "copié collé".
Est-ce que Marthe Robin a cherché par là à se "faire valoir" auprès d'un petit milieu qui s'intéressait à elle, pauvre fille infirme à qui son entourage familial lui reprochait de ne pas même gagner l'eau qu'elle buvait ?
Est-ce que cette imposture qu'on peut qualifier au départ d'"innocente" ne l'a pas enfermée dans un personnage de mystique dont elle n'a jamais pu sortir, composé et recomposé à loisir par des gens qui trouvaient tout intérêt à se revendiquer de son aura de sainteté ?
On peut élaborer à partir de là tout un scénario qui aboutit à mettre en doute la réalité de ses vertus héroïques (sachant qu'effectivement l'argent d'une communauté n'est pas un moyen indifférent aujourd'hui quand il s'agit de canoniser son fondateur)
En sens contraire, la Bible est pleine de tromperies humaines que Dieu, qui est pourtant la Vérité Même, a assumées et auxquelles Il a donné une postérité. Ainsi la bénédiction dérobée frauduleusement par Jacob à son père Isaac qui, au terme d'un combat avec l'Ange, se transforme en bénédiction divine avec l'imposition d'un nouveau nom par le père céleste : Israël, "fort contre Dieu". Tout un programme !
Peut-on considérer l'hypothèse que Dieu, en se servant des lignes courbes, qu'évoque le P. de Meester, ait finalement totalement accédé à la demande d'une pauvre fille qui, à sa manière maladroite, et même usurpée, aspirait à être une grande mystique dans son coeur ?
Je ne veux pas tomber en disant cela dans le piège de l'irrationnel et de l'invérifiable. Je suis bien conscient que ma thèse serait soutenue si tous les fruits qu'on attribue (je souligne néanmoins ce verbe) à Marthe Robin étaient bons, or ils ne le sont pas tous. Une partie de son entourage est suspecte (a minima), et elle-même n'échappe pas à la suspicion.
Il en va de même, dans un autre genre (sa personne ne peut se comparer directement à M. R.) de la fondatrice des Focolari, Chiara Lubich, dont la révélation d'écrits inédits dans un livre récent indique pour le père Auzenet qu'on est "devant une personne malade élevée au rang d'un gourou dont on ne peut que souhaiter qu'elle ne soit pas canonisée." Et c'est pourtant le même qui défend Marthe Robin. Vérité en deçà des Alpes, erreur au-delà ?
Je vous conseille malgré tout le visionnage de ce documentaire, un peu hagiographique, certes, mais qui n'a rien à voir avec les pluies de rose dont le père de Meester était, semble-t-il, friand. Marthe Robin, une vie cachée
Pourquoi ? A cause de la vieille grand-mère qui l'a connue, à cause de la postulatrice (décédée) qui explique qu'on ne naît pas mystique, mais qu'on le devient, aussi à cause du témoignage de Tim Guénard, qui a reçu, j'en ai la certitude humaine, une véritable grâce de Dieu au milieu de sa vie de misère. Et vous savez par qui ? Par un prêtre, un ministre fort indigne au demeurant, mais qui a su, au moins à un moment de sa vie, être transparent à la grâce de Dieu. Cela va au-delà de nos chemins mentaux établis, "vos pensées ne sont pas mes pensées et vos voies ne sont pas mes voies."
Le discernement du vrai bien au milieu du mal dont l'Eglise est saturée n'est pas aisé, il est souhaitable qu'on n'en reste pas aux éléments de langage des Foyers de charité et de la Congrégation pour la cause des saints, et que soient affrontées directement les allégations du carme défunt, si la tâche se peut faire.
Au risque de voir la figure de Marthe Robin se réduire à la mascotte d'un certain milieu catholique, à la manière de la soi-disante stigmatisée de Blain, qui n'est jamais sortie de sa coterie de pseudo-marquis et de prophètes du grand monarque. J'ai la faiblesse de penser que Marthe Robin mérite beaucoup mieux.