Dom Botte (et beaucoup d'autres) livrent un témoignage assez consternant sur ce que pouvait être l'état de la liturgie au début du XXe siècle, mais cette situation n'est pas apparue brutalement au XXe siècle! La crise remonte probablement à la fin du Moyen-Age et à sa suite immédiate, à savoir la Renaissance, qui, je le rappelle, a été la période où est née la modernité occidentale telle qu'on l'entend aujourd'hui, et qui se caractérise par "le règne de l'Homme" (Rémi Brague) en lieu et place du "règne de Dieu". Tel est le projet moderne.
J'ai montré ici en quoi la période tridentine était profondément imprégnée de mentalité moderne, ce qui n'a rien d'étonnant: l'Eglise n'évolue pas dans l'histoire isolément par rapport aux grandes évolutions du monde, elle vit au milieu de son temps et en subit nécessairement les influences. Sa mission, justement, est de s'assurer que la doctrine apostolique soit transmise sans déformations jusqu'à la fin des temps, tout en créant les conditions nécessaires à sa transmission à tous les hommes. L'Eglise à Trente comme à Vatican II a cherché à préserver l'essentiel tout en s'adaptant aux mentalités de l'époque.
On le voit également dans l'art: on passe d'un art symbolique, hiératique (d'abord les symboles chrétiens du proto-christianisme, puis l'art romano-byzantin puis roman, les icônes dont le style est très proche en Orient et en Occident jusqu'à la Renaissance, le symbolisme du soleil levant débouchant sur l'orientation de la liturgie et des églises, qui est progressivement abandonné et débouchera au XXe siècle sur la généralisation de la "messe face au peuple") à un art de plus en plus allégorique, fondé sur la glorification de l'homme (cf. les fresques de la chapelle Sixtine; Mgr Lefebvre il me semble l'avait reconnu dans un de ces sermons de mémoire) caractéristique de l'humanisme; comme on perd la compréhension symbolique de l'ordre cosmique objectif créé par Dieu, on se réfugie dans le subjectivisme, le sentimentalisme, qui débouche sur le dolorisme, la mièvrerie, et ce dès les XVe-XIVe siècles. On passe d'une anthropologie trinitaire qui était celle des Anciens (corps-âme-esprit) à une anthropologie dualiste (corps-âme), ce qui débouchera sur des erreurs telles que le puritanisme, etc.
Comprenez moi bien: ce n'est pas l'Eglise dans sa doctrine, son enseignement, qui s'est éloignée de la Tradition, mais dans sa vie concrète et dans sa vie liturgique, ainsi que dans la spiritualité, excepté quelques grands saints et mystiques.
Il ne faut pas oublier également le rôle joué par le XVIIIe siècle (joséphisme), siècle au cours duquel on ne voyait plus la liturgie comme un outil d'édification morale, puis par Révolution française, qui a occasionné une rupture aggravant encore la crise de la liturgie.
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