[Une précision, probablement inutile pour vous (mais votre formulation peut laisser place à une méprise) :
Oour Saint Robert Bellarmin SJ, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'hérésie, qu'il y a pape.
C'est parce qu'il y a pape, qu'il n'y a pas d'hérésie (cf. De romano Pontifice, lib. IV, cap. II).]
Pour répondre à votre interrogation, je vous soumets quelques suggestions sur le passage que vous citez :
1- D'une part, avec le témoignage du IV,2 sq. le pape ne saurait faire de dommage aux âmes dans l'exercice de son ministère. Il ne s'agit donc pas de détruire l'Eglise en ruinant sa Foi, mais plus probablement son patrimoine (dont le pape est responsable, cf. IV,finale : Sur les devoirs des Souverains Pontifes), ou sa liberté face aux princes.
2- D'autre part, dans le contexte du II,29, il me semble qu'il s'agit effectivement d'options temporelles des papes, ou peut-être plus exactement d'interventions des papes dans l'exercice du pouvoir temporel (en V,6 par exemple, Saint Robert Bellarmin rappelle que le pape ne saurait déclencher arbitrairement des guerres civiles, ou porter atteinte aux lois des princes, sans raison grave).
3. De plus, l'objection repose sur une analogie entre le droit de tuer un pape envahisseur, et le droit apparemment moins exorbitant de "simplement" déposer un pape troublant la paix civile. La pointe de la réponse porte sur les seules possibilités de lui désobéir ou de le bloquer, mais en aucun cas de le déposer. Du coup, je ne suis pas certain que les éléments de contexte (notamment l'hypothèse d'un pape détruisant l'Eglise) puissent être pris pour enseignements positifs.
4. Il est par ailleurs possible que Saint Robert Bellarmin ait placé la finale "détruire l'Eglise" pour reprendre et prolonger fidèlement l'idée de l'objection (un pape qui attaquerait les âmes - ambiguïté sur attaque physique ou spirituelle (et il s'agit de réfuter des hérétiques comme Luther et Calvin, qui voient dans le pape l'Antéchrist)). Mais il n'est pas certain que Bellarmin ait attaché une réalité tangible à cette formule : pour mémoire, en évoquant le décret de Gratien, il dit en effet estimer que le "à moins qu'il ne tombe dans l'hérésie" pourrait n'être tout bonnement qu'une précaution oratoire (IV,7).
Quant à l'exemple que vous donnez (la frénésie d'accueil du pape François) : je ne suis pas certain que ce genre d'intervention soit exactement ce que St Robert Bellarmin pouvait avoir en tête. Je pencherais davantage, comme je vous le disais, pour l'exercice malheureux du pouvoir temporel. Mais le parallèle reste intéressant.
A ma connaissance, dans le magistère, les seuls développements traitant ex professo du magistère en matière prudentielle sont dans Donum Veritatis, du cardinal Ratzinger. Celui-ci oppose à des enseignements vrais (ajustés à la situation réelle) la possibilité d'enseignements moins sûrs (en latin minus tutus), en raison d'un manque d'information du pape.
Il en ressort que le magistère peut proposer une voie "imprudente" (au sens de hasardeuse, mais attention : jugement a posteriori, avec le recul des années, pas a priori... quelqu'opinion qu'on ait par devers soi). Car Ratzinger prend bien le soin de préciser que le magistère ne peut en aucune manière proposer une voie imprudente au sens de faisant entorse à la vertu de prudence. Le magistère, y compris en matière temporelle reste un guide sûr.
Pour ma part, si cela peut vous intéresser (ou vous éclairer sur l'optique personnelle de cette réponse) : autant le pape est clairement dans son rôle en rappelant aux catholiques et au monde les exigences de l’Évangile, et de grands principes de géo-socio-politique, autant il me semble moins légitime pour prôner des mesures internationales très détaillées, concrètes et impératives. Enfin, n'étant pas élu, je ne me sens pas très concerné, ni agressé, et fais ce que je peux à mon niveau, c'est-à-dire... pas grand-chose, tout en essayant de garder le cœur ouvert.
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