Nous nous éloignons un peu du sujet initial et je n'ai aucune compétence particulière sur celui que vous soulevez. Voici ce que j'en ai compris, sous toutes réserves: il est effectivement complexe.
Il n’y a coincidence ni entre le Magistère ordinaire authentique et le Magistère infaillible (c’est la thèse sédévacantiste, parfois aussi, depuis de Concile, de certains modernistes), ni entre Magistère extraordinaire et Magistère infaillible.
Les canons de Saint Vincent de Lérins précisent à cet égard que lorsqu’une chose est crue dans l’Église depuis toujours, par tous et partout, elle est réputée infaillible, c’est l’infaillibilité du magistère ordinaire, mais la mention « depuis toujours » en limite le champ.
Ainsi un enseignement du Pape, ou d’un Concile, n’entraîne pas ipso facto une obéissance inconditionnelle : « celle-ci dépend et est proportionnée à l’intention avec laquelle le Magistère entend engager son autorité. » (I. Salaverri, Sacrae Theologiae Summa, cit., t.I, tr. III, I.II, § 637, p. 578). C’est ce que confirme le cardinal Journet : « Le degré avec lequel le Magistère s’exprime dépend donc encore une fois de la volonté, de l’intention du Pape et des Évêques unis à lui. Il n’y a pas de coïncidence définitive entre Magistère extraordinaire et Magistère infaillible. » (Cf. C. Journet, L’Église du Verbe Incarné, p. 531).
Cela veut dire qu’il peut y avoir des cas, certes exceptionnels, et Vatican II en est un, où un acte du Magistère ordinaire authentique ne possède pas la note de l’infaillibilité : telle fut la volonté expressément affirmée de LL SS les papes Jean XXIII (discours d’ouverture Gaudet mater Ecclesia, du 11 octobre 1962) et Paul VI (discours du 12 janvier 1966).
Pour que l’Église ait une base certaine, une continuité et une perpétuelle unité dans la fidélité au dépôt de Foi tel qu'il nous a été légué après la mort du dernier Apôtre, il faut que les actes essentiels des pasteurs de l’Église soient nécessairement et indubitablement efficaces, suivis de leurs effets divins. Ces actes relèvent de pouvoirs infaillibles, assistés, — inconditionnellement, — par l’Esprit-Saint. Les autres présentent une grande contingence et dépendent aussi bien de la fragilité de l’homme que de l’assistance de l’Esprit de Dieu ; ils émanent de Pouvoirs moindres, où doit s’opérer un discernement.
Enfin, il faut avoir en tête que le fondement de la règle de l’infaillibilité, c’est la Tradition. Ce qui lui est étranger demeure suspect, ce qui lui est contraire est faux. Dans le Magistère infaillible, sujet et objet de la Tradition restent distincts : le Magistère infaillible n’est pas source, il a, à son tour, sa source dans l’Ecriture Sainte et dans la Tradition.
L’Eglise en effet, alors qu’elle exige pour le Magistère infaillible un assentiment inconditionnel, « demande pour le Magistère authentique un assentiment relatif et conditionné : conditionné, surtout, par la fidélité de l’enseignement proposé au dépôt de la foi » (Salaverri, s.j., De Ecclesia Christ in Sacrae Theologiae Summa, liv. II, p. 658).
Ainsi, «l’ordre de croire fermement sans examiner l’objet ne peut obliger vraiment que si l’autorité est infaillible » (Cf. Billot, De Ecclesia, t. XVII), et l’Eglise n’a jamais attribué au faillible les droits de l’infaillibilité. Saint Thomas l’a très bien résumé, précisant que ce devoir de résistance s’étend à l’ensemble des fidèles: « Si la foi est en danger, un sujet pourrait réprimander son prélat, même publiquement. » (Som. Th., IIa IIae, Qu. 33, article 4, ad2).
Beuacoup plus récemment (et postérieurement aux définitions de Vatican I sur l’infaillibilité pontificale), le pape Léon XII a dit la même chose sur le devoir de désobéissance face à une autorité désorientée : « Mais, dès que le droit de commander fait défaut, ou que le commandement est contraire à la raison, à la loi éternelle, à l’autorité de Dieu, alors il est légitime de désobéir, nous voulons dire aux hommes, afin d’obéir à Dieu. » (Encyclique Libertas § 13).
Voilà, en tout cas, ce que j'en comprends.