Scrutator s'éloigne beaucoup du texte de Jean XXIII et de la lecture partielle qu'en fait J. Madiran.
D'abord, je ne partage évidemment pas - pour M. Parfu - l'optimisme naïf du texte de 1962 : j'ai montré seulement pourquoi le pape s'est laissé prendre par une époque très courte et aurait-il été si optimiste en 1967, 1968, 1973 s'il avait vécu ?
Il y a bien eu, c'est vrai, une "dynamique", dynamique qui a survalorisé quelques bribes de phrases de cette allocution en laissant dans l'ombre tout le reste qui est comme en frontale contradiction avec ces petits morceaux de phrase découpés. Cette "dynamique", orientée et très sélective, nous en subissons toujours les conséquences et en voyons les dégâts.
Maintenant c'est aussi le travail des "liseurs" de redresser les erreurs communes, même si Paris Match ou La Croix les répètent, renvoyer au texte et à sa correcte lecture complète et en contexte.
[j'ai cité à partir de la version traduite officielle à partir du texte latin qui seul fait foi et non du texte italien légèrement raccourci]
Pour revenir sur plusieurs conceptions erronées de Scrutator (prises dans Hebbelthwaite ?) au sujet du Concile, supposer une parfaite entente entre les "putschistes" (sic) - un noyau de hauts prélats bien solidaires à la Commission centrale préparatoire en 1961-1962 et qui au moins 2 semaines avant le 13 octobre rédigent des listes de candidats (j'en ai donné la preuve sur document d'archives) - et Jean XXIII est une vision complètement fausse.
Liénard n'a pas du tout agi sur ordre du pape, rien à ma connaissance ne l'établit et aucun des livres auxquels vous vous référez.
Étrange pape qui mettrait en tête des commissions tous les ennemis de son groupe "putchiste" supposé, sauf le cardinal Bea.
En outre, après la victoire de la liste centre-européenne, Jean XXIII repêche des Pères dans le tiers qu'il nomme ... sur les listes des commissions préparatoires et quelques curialistes.
En réalité, constamment, Jean XXIII a cherché à donner la parole à toutes les tendances sans en étouffer aucune. C'est encore plus net avec sa grande décision de confier le réexamen du schéma rejeté De fontibus revelationis à une commission mixte entre le secrétariat de Bea et la commission doctrinale où Ottaviani et le Père Tromp sj continuaient à jouer un rôle important. Ce n'est qu'avec Paul VI en 1963 que la "Majorité" a eu tous les leviers du Concile (contrôle accru des commissions et les 4 Modérateurs dont 3 sont des leaders de la Majorité) et les moyens de l'opinion minoritaire furent dès lors plus réduits (d'où l'intérêt du Coetus internationalis Patrum qui se structure à ce moment).
Mieux en janvier 1963, Jean XXIII écrit aux Pères qu'il espère clore le Concile en décembre ! alors que la 1ère période s'achève sans aucun texte voté. A cette époque, plusieurs parmi les prélats et théologiens majoritaires prônaient à l'opposé une réélaboration complète, une seconde préparation radicale, une option qui n'a pas été suivie d'ailleurs les Belges l'ayant écarté par pragmatisme. Cette donnée chronologique dément clairement l'idée que Jean XXIII mettait en pratique un grand plan pensé avec les "putschistes".
La "messe" était-elle "dite" en juillet 1962 ? Pas du tout !
Tous les témoins disent le contraire : Congar ne reste même pas pour écouter Gaudet Mater Ecclesia parce qu'il n'en attend rien ! D'une part, le pape Jean trouvait les schémas préparatoires bien faits, il le dit à de nombreux visiteurs et il est surpris des réactions dures négatives qui lui sont parvenues avant l'ouverture.
La "Majorité" s'était manifestée nettement dans les débats vifs de la Commission centrale préparatoire, à laquelle venait Mgr Lefebvre. Mais personne ne savait ce que seraient les votes de la masse des Pères. Très peu pensaient que les "putschistes" seraient suivis par les 2/3 presque du Concile d'autant, je vous renvoie tant à Alberigo qu'Hilaire, que les vota recueillis dans la préparation sont d'un grand classicisme et sont en décalage total, sauf marginalement, sur les grands débats de 1962-1965.
Attention à cette vision téléologique à la Hebbelthwaite, elle déforme tout. Un ex. typique est de voir dans Jean XXIII un néo-liturge prophétique quand il inscrit saint Joseph au Canon de la Messe, sans consulter : certains font de ce fait une "preuve" que le pape aurait imaginé ... le Novus Ordo en 1962 !!! Alors que Congar et les autres sont furieux de cette décision et qu'on sait très bien que Roncalli était d'un grand conservatisme en la matière.
Il faut en finir avec ce Concile fantasmé par les opposants traditionalistes et les partisans de "l'esprit du Concile" en sens inverse. Il y a largement de quoi porter, à mon sens, un regard critique d'évaluation après 50 ans sans construire des chimères.
ps. je suis d'accord avec Scrutator qu'il faut prendre en compte l'explicitation doctrinale donnée par le Magistère depuis la clôture de Vatican II. C'est son rôle après tout. Il me semble que beaucoup a été fait en positif (et pas qu'en négatif comme il le dit) dans le sens de la réforme en continuité mais qu'il y a encore à faire et que surtout, le Magistère s'est souvent borné à déclarer sans s'assurer de la réception effective ou en portant des gestes ambigus (ex. les rencontres d'Assise) qui brouillent le message.
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