Bonjour Jean-Paul PARFU,
1. Luc PERRIN fait allusion à l'ambiance mariale du discours du jeudi 11 octobre 1962, mais l'ambiance "putschiste" du samedi 13 octobre 1962, même si elle était plus motivée par un état d'esprit réformateur et rénovateur que par une mentalité et des motivations proprement révolutionnaires, est bien située dans le prolongement de l'irénisme que vous évoquez, irénisme auquel j'ajoute pour ma part les mots suivants : angélisme et utopisme.
2. Les "putschistes" du samedi 13 octobre n'ont pas agi en contradiction, mais en conformité avec l'accord global et l'autorisation indélimitée qui leur ont été donnés, ou qu'ils ont considéré comme leur ayant été donnée (sans être contredits par le Pape, par la suite), par le discours du jeudi 11 octobre 1962.
3. Je précise ou rappelle à ce sujet que "la messe était dite" avant même "l'ouverture de l'église", puisque, dès juillet 1962, il a été décidé par plusieurs futurs experts et pères du Concile que les schémas pré-conciliaires seraient déboulonnés dès le début du Concile.
4. Je me permets de vous renvoyer, à ce sujet, à ces deux livres :
- "le Rhin se jette dans le Tibre", de Ralph WILTGEN, aux éditions DMM, aux pages 23 et 24 ;
- "Histoire du Concile Vatican II", sous la direction de G. ALBERIGO, aux éditions du Cerf, dans le Tome 1, aux pages 471 à 474.
5. D'une part, "l'Eglise du Concile" n'en finit pas de s'auto-célébrer ; cette remarque est sévère, mais n'est pas erronée.
6. D'autre part, le risque est que la commémoration de l'ouverture du Concile débouche sur une consolidation de l'inconscience ou de l'ignorance d'une partie des catholiques, sur les limites de la mise en forme puis de la mise en oeuvre du Concile ; or, le Christ n'a pas nécessairement besoin de catholiques qui ressassent ou ruminent, mais n'a certainement pas besoin de catholiques qui feraient de l'amnésie la porte de la foi en la génialité du Concile et de l'après-Concile.
7. En outre, il faut dire et redire clairement, y compris à nos évêques, que le contexte historique effectif et la dynamique pastorale du Concile n'ont pas à avoir plus d'autorité, d'importance ou d'influence, dans l'esprit des prêtres et des fidèles, que le texte théorique officiel et le dispositif doctrinal du Concile lui-même : ce qui a vocation à être expliqué et appliqué, c'est avant tout un corpus textuel, et non, chez certains, une nostalgie obstinée vis-à-vis du passé (les années 1960) ou une confiance aveugle en l'avenir (les années 2010).
8. Enfin, l'idée suivante a commencé à s'insinuer, à s'introduire, depuis déjà plusieurs mois : c'est l'idée selon laquelle le Concile, jusqu'à présent, n'a pas encore ou pas vraiment été appliqué, idée renforcée par celle selon laquelle, grâce à Benoît XVI en général, et grâce à l'articulation entre l'année de la Foi et la commémoration du Concile, en particulier, on allait "enfin" entrer dans la véritable intelligence du Concile et surtout dans la véritable expérience de sa mise en oeuvre.
9. Cette idée est à la fois fallacieuse et dangereuse :
- fallacieuse : on aura beau dire et on aura beau faire, mais le Concile a été expliqué et appliqué, notamment par Paul VI et par Jean-Paul II, avant de l'être par Benoît XVI, et si on en est là où on en est, y compris, en partie, en positif, ce n'est pas à cause d'un déficit, mais bien plutôt du fait d'un excédent, dans la mise en oeuvre du Concile, car il y a eu, à tout le moins, une référence quasiment permanente, sinon exclusive, au Concile ;
- dangereuse : elle fait l'impasse sur la relative antinomie historique qui constitue le vice caché de toute cette affaire : le coeur des cibles des préoccupations, au Concile, n'a pas été la Foi catholique, ce qui ne signifie évidemment pas que cela a abouti à un corpus textuel formellement opposé à la Foi catholique, mais a été l'Eglise catholique, son identité, son orientation, ses relations et ses structures, car la Foi, par erreur, était supposée "acquise".
La commémoration du Concile ne saurait tenir lieu, à elle seule, d'année de la Foi ; or, notamment dans le contexte interne propre à l'Eglise qui est en France, la question est la suivante : aurons-nous cette année une véritable année de la Foi, dans les diocèses, dans les paroisses ?
Bonne journée.
Scrutator.