...pour souligner la différence entre une responsabilité collective et une culpabilité individuelle, deux réalités que vous paraissiez confondre :
Pour revenir à votre analogie avec le péché originel, bien qu’elle ne me convainque pas du tout, je suis né taché du péché originel, je n’en suis pas coupable (même si je sais en subir les conséquences). (Marchenoir)
Pour autant que j’aie bien compris la position défendue par les Pères de l’Église, les juifs ne sont (évidemment) pas tous
individuellement coupables des méfaits de leurs ancêtres,
mais ils en subissent tous les conséquences. Pour prendre un autre exemple, plus proche du sujet, l’annonce par le Christ de la destruction du temple de Jérusalem n’est en rien contradictoire avec sa prière sur le croix : la première concerne la communauté, l’autre vise les membres de celle-ci (y compris les instigateurs du crime, dont il est possible que certains sont aujourd’hui au paradis).
Quant à ma référence à la législation d’Alexandre III, elle se voulait simplement une autre illustration de cette même distinction :
De même, quand des papes interdisent aux chrétiens d’entrer au service des juifs, ce n’est pas à leur appartenance raciale ou à leur comportement personnel qu’ils se réfèrent, mais au “mode de vie” de leur communauté prise dans son ensemble : “Nos modes de vie et ceux des Juifs, explique Alexandre III, sont extrêmement différents, et les juifs pervertiront facilement les âmes des gens simples à leur superstition et à leur incrédulité, si ces gens vivent continuellement et en intime conversation avec eux” (décrétale Ad hæc).
Par cet exemple, je n’ai donc pas du tout voulu
prouver que les mises en garde des papes découlaient de ce que des Juifs ont fait mourir le Christ.
Ceci dit, pour répondre à votre dernière remarque, il y avait bien, dans l’esprit des Papes comme dans celui des Pères de l’Église, un réel rapport entre le dévoiement de la religion juive et le comportement de la majorité de ses adeptes. Pas seulement dans leur esprit, d’ailleurs : le fait est qu’on finit toujours peu ou prou par vivre comme on pense, ou par penser comme on vit. À la lettre, cette religion, de bienfaisante au départ, était devenue “
mortifère” suivant le mot très juste de saint Thomas.
La méprise de la plupart des gens à ce sujet provient de qu’en pensant à la religion juive, ils font toujours référence à Moïse, sans se rendre compte que les tendances dominantes du judaïsme, surtout depuis la crucifixion (à savoir le pharisaïsme et ses succédanés), lui ont fait subir une métamorphose analogue à celle que les modernistes opèrent dans l’Église catholique actuelle. Pour paraphraser Péguy, le courant dominant du judaïsme est progressivement passé de la mystique à la politique : quand le Christ proclamait que son royaume n’est pas de ce monde, il ne pouvait plus que susciter incompréhension et rejet chez la plupart.
V.