Il est bien difficile de savoir comment était chantées les pièces grégoriennes au X°, XI°, XII° etc. siècles. J'ajouterai, que, de mon point de vue, c'est sans intérêt, notre culture et notre relation à la musique ont trop changé. Après Palestrina, après Bach et les baroques, après Mozart, Beethoven, Debussy, Fauré, Ravel, et j'en ai oublié des centaines en passant, on chante né-ces-sai-re-ment autrement. Le retour aux sources est une chimère.
Ceci dit, si vous vous intéressez aux manuscrits, ce qu'on trouve dans le triplex est le résultat d'un choix sélectif, donc, de parti-pris. Mon parti pris, c'est de m'appuyer sur les manuscrits de Sangall, très accessibles aujourd'hui sur Internet (Codex 338, 339, 340, 342, 361, 374, 375, 376) ; or, concernant les ictus que vous reprochez à dom Mocquereau sur le premier punctum de la descente de "ia", ainsi que la première note de "te", je vous invite à regarder Sangall 340 p.138 : vous y verrez que le neume de "ia" n'est pas une virga subbipunctis, mais un torculus dont la troisième note est longue donc pas légère, donc appuyée, donc, avec ictus, quant au neume d'attaque de "te", il est conforme au manuscrit susnommé : la première note est une note d'appui, et elle devrait même être légèrement épisémée, distinguée du neume qui suit, et c'est à juste titre qu'elle prend l'ictus.
Je n'ai pas pris le temps d'aller consulter les autres manuscrits que j'évoque plus haut, et je vous ferai remarquer que les neumes que l'on trouve dans le triplex (neumes recopiés à la main, donc à vérifier)disent la même chose.
Enfin, évitons tout malentendu : je ne suis plus depuis longtemps un adepte de l'école du Mans, par exemple il est patent qu'on trouve dans le chant grégorien des syncopes, qu'on nomme en langage politiquement correct des "accents au levé".
Je rappelle pour conclure que j'ai été novice bénédictin en 68-69 et qu'on n'a jamais fait référence à l'école du Mans, ni en classe de chant, ni en cours particulier (j'avais des cours particuliers, car j'étais appelé à être chantre)