Il me paraît difficile de dire qu'en 1793, on soit totalement dans une société nouvelle qui aurait tout purgé du passé. Les révolutionnaires le croyaient certainement, mais moins leurs observateurs.
Cet écart entre les réalités sociales et les mentalités de la masse de la population d'une part, et les déclamations des régénérateurs et autres organisateurs du genre humain d'autre part, est pour beaucoup dans le déchaînement de la violence. Mais il s'agit précisément d'une conséquence du projet révolutionnaire, dont les promoteurs ont commencé par écarter les exemples pour croire qu'ils commençaient l'histoire de l'humanité.
Une bonne partie de la complexité de l'histoire politique de la Révolution tient au fait que d'un côté les événements de 1789 à 1794 semblent dans leurs grandes lignes obéir à une logique implacable, et que de l'autre, à une échelle temporelle plus fine, la Révolution apparaît davantage comme une série de ruptures imprévisibles qui lui confère un caractère erratique. On peut évidemment insister légitimement sur l'un ou l'autre aspect. Mais les deux interprétations ne me paraissent au fond pas si rigoureusement contradictoires : la Révolution, depuis le moment où les constituants ont cru bon de constituer la société au lieu de se contenter de régler le gouvernement, a pris une direction qu'ont accentué et confirmé les ruptures et les circonstances - circonstances elles-mêmes générées pour une bonne part par les révolutionnaires eux-mêmes.
Le concept de processus révolutionnaire cher à Timothy Tackett est ici particulièrement précieux, même si je ne suis pas nécessairement entièrement convaincu par toutes ses interprétations : le processus permet de garder à la Révolution sa cohérence tout en laissant place aux ruptures et aux circonstances, dont personne ne nie l'importance.
Peregrinus
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