Bonjour et bon dimanche.
Je vous prie de bien vouloir m'excuser pour cette réflexion tardive.
Il me semble que la notion de crise laisse entendre
- que cette crise a succédé à un situation antérieure considérée comme équilibrée ou comme optimale,
- que cette crise sera elle-même suivie par un retour à un état de santé à peu près normal, ou à une situation qui pourra être à nouveau jugée équilibrée ou optimale,
à l'intérieur et au sommet de la hiérarchie et de l'institution, dans l'Eglise catholique.
Mais la "recontextualisation" de la "crise" qui sévit actuellement dans l'Eglise catholique, encore plus depuis 2012-2013 que depuis 1962-1963, à l'intérieur du "temps long", amène à s'interroger sur la légitimité du recours à la notion de crise, ou sur le caractère approprié de cette notion.
Ainsi, après tout, il est arrivé aux protestants libéraux, au contact de la modernité libérale, quelque part entre la fin du XVIII° siècle (cf. Schleiermacher) et le milieu du XX° siècle (cf. Harnack, puis Bultmann et Tillich), une mutation assez comparable à celle qui s'est produite, par la suite, dans l'Eglise catholique, entre les débuts de la crise moderniste, en 1893, et l'élection du pape François, en 2013.
Et il n'est pas impossible de considérer que, dans le cas de chacune de ces deux mutations, le fond de l'affaire n'est pas avant tout dogmatique ou liturgique, mais est avant tout philosophico-théologique, puis, par voie de conséquence, "p-a-s-t-o-r-a-l".
Au demeurant,
- sommes-nous bien sûr qu'il n'a jamais existé la moindre mutation de cette nature, dans l'histoire de l'Eglise, notamment au moment de la "rationalisation" de la foi, notamment au XII° siècle puis au XIII° siècle,
et
- ne sommes-nous pas en mesure de nous dire que "cette fois, c'est différent", parce que les fondements, le contenu et les débouchés de la mutation qui a commencé à se manifester, dans l'Eglise catholique, au début des années 1890, ont donné naissance à une dynamique pleinement propice à la transformation, presque complète et définitive, du christianisme catholique, en une espèce d'humanisme panchristique, philo-moderniste puis philo-postmoderne ?
Vous aurez remarqué que je n'ai pas encore parlé du Concile Vatican II, et je vais continuer à ne pas en parler, en sollicitant l'arithmétique et la chronologie, pour pouvoir faire remarquer qu'il s'est écoulé presque autant d'années
- entre l'année 1893 et la publication de la lettre encyclique Humani generis de Pie XII, en 1950,
- qu'entre l'année 1950 et l'élection du pape François, en 2013.
A travers la mise en avant de ce qui n'est jamais qu'un hasard de la chronologie, je veux mettre en avant le fait que, si nous sommes bel et bien en présence d'une mutation à caractère avant tout philosophico-théologique, la question est de savoir si les opposants potentiels à la poursuite de cette mutation sont à la fois capables et désireux
- de se dire plutôt partisans de ce qui caractérise la ligne de pensée philosophico-théologique que l'on trouve dans la lettre encyclique Humani generis, de Pie XII,
- d'identifier leurs adversaires ou contradicteurs en tant que ceux-ci sont les continuateurs de ceux qui ont été les opposants, ou n'ont pas été les partisans, c'est le moins que l'on puisse dire, de la même ligne de pensée philosophico-théologique, non seulement en 1950, mais aussi, a minima, dans les deux décennies qui ont précédé et dans les deux décennies qui ont suivi l'année 1950.
Mais peut-être est-il possible de prendre appui sur trois textes bien plus récents, au sein desquels Joseph Ratzinger / Benoît XVI a une part de responsabilité, et peut-être est-il possible de faire remarquer qu'il existe aujourd'hui, dans l'Eglise catholique, au moins deux tendances, peut-être bien "irréconciliables", comme disait Manuel Valls (à propos de deux composantes de la gauche) :
- la tendance de ceux qui seraient favorables à ce que l'on prenne davantage appui sur Dominus Iesus, sur le Compendium du Catéchisme et sur Verbum domini, pour reconsolider la foi catholique, avec des argumentaires et un vocabulaire catholiques, dans l'Eglise catholique (ce qui devrait pouvoir constituer la priorité des priorités pour tous les évêques, dont celui de Rome, compte tenu du fait que nous subissons, encore aujourd'hui, les conséquences de la grande déculturation ou du lavage de cerveau des années 1960-1970)
et
- la tendance de ceux qui seraient réfractaires à ce que l'on envisage de prendre appui sur ces trois documents, dans un tel esprit, ou avec un tel d'état d'esprit, reconsolidateur de la connaissance, de la compréhension, de la préservation, de la propagation, de la réception, du respect, du souci et de la transmission de la foi catholique au sein de l'Eglise catholique.
Je vous remercie pour votre compréhension au contact de cette esquisse de réflexion, qui m'a été inspirée, il y a déjà bien des années, par le pape François, au contact de l'une de ses manifestations de désinvolture : "la doctrine est connue". Sous-entendu : il est inutile de rappeler davantage ou de répéter une fois de plus une doctrine, de ou sur la foi, qui déjà connue.
La doctrine relative à la foi catholique est connue ? La bonne blague ! Pourquoi et comment pourrait-elle l'être, puisqu'elle est assez souvent amputée, déformée, ignorée, implicitée, irénisée, méprisée, négligée ou occultée, dans de nombreux domaines, notamment en ce qu'elle est incompatible ou inconciliable avec bien des erreurs, en provenance de l'extérieur de l'Eglise et de la foi catholiques, par bien des philosophes et par bien des théologiens catholiques, au moins depuis le début des années 1960, alors que certains de ces philosophes et de ces théologiens ont fait partie hier, ou font partie, encore aujourd'hui, des inspirateurs des formateurs d'une partie des futurs prêtres et des futurs évêques ?
Je termine ce message en faisant remarquer que le plus impressionnant est que la doctrine, en l'occurrence la doctrine de la foi ou sur la foi, est aujourd'hui tellement amputée, déformée, ignorée, implicitée, irénisée, méprisée, négligée ou occultée, que presque plus aucun clerc catholique n'a aujourd'hui une réaction publique intra-ecclésiale un tant soit peu contre-offensive, en présence d'une erreur sur Dieu, sur Jésus-Christ, sur l'Esprit saint, sur la Parole et la volonté de Dieu, sur la conscience et la vocation de l'homme, et sur l'annonce de Jésus-Christ en vue de la conversion des non chrétiens.
Ainsi, ici ou là, la soumission au consensus inclusif qui arrange s'est substituée au service de la vérité conversive qui dérange.
Cela ne fait pas nécessairement du consensus inclusif qui arrange une "hérésie", au sens strict du terme, mais cela risque fort de faire de bien des clercs, qui favorisent et pérennisent cette dynamique de substitution, des clercs post-orthodoxes ad intra et post-missionnaires ad extra, s'il est possible de s'exprimer de cette manière.
Bon dimanche.
Scrutator.