Celui-ci ?
Le livre de Christopher Clarke, que je n'ai pas lu, passe auprès de certains pour faire silence sur la responsabilité allemande dans le déclenchement du conflit.
A l'inverse, le livre de David Fromkin, que j'ai récemment lu, résume les choses de la façon suivante (spoil) :
Il y a à l'originede la Première Guerre mondiale deux conflits souhaités par les Empires Centraux.
Le premier est un conflit local : la volonté de l'Autriche-Hongrie d'éradiquer la Serbie et de la partager entre ses voisins balkaniques. Ce projet, qui s'inscrit dans la complexité du contexte balkanique consécutif au recul de l'Empire ottoman, est bien antérieur à 1914 et - il me semble - partagé par les Autrichiens et les Hongrois, même s'ils s'opposent sur les Etats avec lesquels collaborer dans la région (les uns préfèrent les Roumains, les autres les Bulgares). Mais l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand (qui était paradoxalement le prince Habsbourg le plus favorable aux Serbes) et de son épouse est décisif ce que ceux-ci étaient des amis personnels de Guillaume II. C'est guidé dans une colère vengeresse que celui-ci, qui se voyait plutôt comme un défenseur de la paix, a donné carte-blanche à Vienne pour réagir contre les Serbes. Le gouvernement de l'Empire allemand espérait une intervention très rapide des Austro-Hongrois mettant les autres puissances devant le fait accompli. Mais Vienne tarde énormément à mettre sur pied son opération militaire.
Le second est le conflit européen de longue date jugé inéluctable et nécessaire par les généraux prussiens, contre la France et la Russie dont l'alliance, pourtant théoriquement défensive, est vue comme un étau dans lequel étouffer l'Allemagne. Au XIXe siècle, Schlieffen, prévoyait une guerre rapide de l'Allemagne seule envoyant toutes ses forces contre la France pour la mettre à genoux en quelques semaines puis s'attaquant à la Russie, jugée archaïque et ne pouvant se préparer rapidement à la guerre. Mais à partir des années 1890 et plus encore après 1905, la Russie s'est industrialisée, ce qui rendait caduc ce plan Schlieffen originel. Il devenait nécessaire de tenir un front à l'est dès le début du conflit. L'alliance avec l'Autriche-Hongrie était d'abord nécessaire, mais Berlin savait que Vienne n'entrerait pas en conflit au secours de l'Allemagne sans que ses propres intérêts soient en jeu. Il fallait donc un conflit autrichien.
La lenteur de la Double-Monarchie à préparer son invasion de la Serbie rend illusoire le plan initial de Guillaume II et de ses ministres de mettre toutes les ambassades devant le fait accompli. L'ultimatum est lancé par Vienne fin juillet (aussi, la "crise de l'été 1914" commence en fait à ce moment, un mois après la mort de François-Ferdinand). Ces circonstances rendent possible la grande guerre voulue par l'armée allemande. A partir de ce moment, le jeu de l'Allemagne, sur lequel Guillaume II n'avait plus de réelle influence, fut de provoquer cette guerre. La nouvelle de la mobilisation partielle de l'Empire Russe fut accueillie dans l'enthousiasme à Berlin, et non dans la peur. Finalement, Vienne sera priée de déplacer ses troupes du sud (la Serbie) au nord (la frontière Russe). On est passé, selon Fromkin, "d'une guerre à l'autre".
Fromkin ne voit pas de volonté belliqueuse contre l'Allemagne à Moscou et à Paris. Il décrit un couple Poincaré-Viviani (qui naviguait entre Saint-Petersbourg et la France au plus fort de la crise internationale) plutôt pacifiste (et démonte une "légende noire" historiographique à propos de Poincaré) et ne parle pas du tout de l'existence d'un sentiment revanchard en France. Il considère simplement que ni la Russie, ni la France n'ont fait le choix d'entrer en guerre : elles ont été attaquées et se sont défendues. Quant au Royaume-Uni, il n'a pas été automatiquement porté dans le conflit par son Entente cordiale avec la France (comme cela est souvent affirmé d'une façon, en fait, assez idiote) mais a choisi d'intervenir à cause de la violation de la neutralité du Luxembourg et de la Belgique, qui a retourné l'opinion des Communes. Il note aussi que dans les semaines précédent la guerre, Londres regarde avec inquiétude, non pas les Empires centraux, mais l'Irlande qui est au bord de la guerre d'indépendance.
Peut-être les lectures des Somnambules et du Dernier été de l'Europe sont elles l'une à l'autre de bons complément.
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