cher Vianney,
Merci de me faire découvrir cette supplique polonaise : dommage que les titres de ces intellectuels signataires ne soient pas traduits ... impossible de comprendre qui sont ces personnes.
Il me semble que la Supplique italienne - mais il y en eut peut-être plusieurs ? - en 2011 n'avait rien à voir : il s'agissait d'interpeller le pape à propos d'Assise 2011, une question qui fait problème pour moi, je l'ai assez écrit ici, au risque de me répéter comme dit M. Parfu.
Les signataires polonais réclament bel et bien - au moins c'est honnête - une politique répressive (façon russe, turque ou chinoise). Je les cite :
"Comment peut-on concilier le droit de restreindre le culte public des autres confessions religieuses, que les prédécesseurs de Votre Sainteté ont accordé aux dirigeants des Etats catholiques pour préserver la vraie religion[9], avec la liberté de non coercition externe dans le culte public pour toute religion, droit qui a été élevé par Dignitatis humanae au rang de loi naturelle, en déclarant qu’il avait son fondement dans la dignité de la personne humaine[10] ?" (Supplique polonaise).
Puis ils posent une affirmation gratuite non démontrée qui est au coeur du problème dans la citation de Mgr Lefebvre, les 2 mots que je conteste "par conséquent".
Les Polonais prétendent en effet :
"Cependant, en tant que catholiques activement engagés dans la vie publique de la Pologne, nous ne pouvons pas nous empêcher de remarquer que le concept de l’Etat libéral, essentiellement neutre en matière de religion, étouffe efficacement les aspirations légitimes des Polonais, de même qu’il contredit les valeurs les plus profondément enracinées dans l’histoire de la nation polonaise."
Or d'une part les aspirations des Polonais se sont exprimées en donnant une majorité à un parti libéral de centre-droit, ce qui ne colle pas avec l'affirmation ci-dessus. On peut le déplorer mais c'est ainsi.
En outre, la législation polonaise a été bien plus proche des "valeurs" catholiques qu'ailleurs en dépit d'une constitution inchangée. La neutralité (disons la laïcité) de l'État n'implique en rien une législation anti-catholique et n'a pas d'effet déterminant sur la vitalité de l'Église et son influence sociale soit ce qu'on appelle la marche vers le règne social de N.S.J.C.
La "liberté religieuse" a régné dans la grande Pologne pendant 150 ans au XVI-XVIIe siècle, ce que ces Polonais semblent avoir oublié. C'était bien avant D.H. et sans doute les papes tridentins de cette époque devaient-ils être hérétiques ???
"La question est de savoir si Dignitatis humanæ ne s’oppose en rien, par principe, à l’établissement (aussi progressif que l’on voudra) d’un tel règne" (Vianney).
La question est légitime, la réponse est assez évidente :
non, D.H. ne s'oppose pas par principe à la doctrine sociale de l'Église,
non D.H. ne s'oppose pas à la vocation missionnaire de l'Église,
non D.H. n'impose aucune rencontre d'Assise,
non D.H. ne place pas l'Église dans une situation inédite, "nouvelle" pour les papes, les évêques et les baptisés du moins pas nouvelle depuis l'avènement de la modernité libérale avec les Révolutions française et américaine,
non D.H. n'est en rien à l'origine de la crise de l'Église et de sa persistance.
(j'ai déjà étayé chacune de mes réponses négatives, je me répéterais comme dit M. Parfu)
nb. rectificatif à propos de la Supplique polonaise, le "modèle" de D.H., explicité par le Magistère post-conciliaire - on ne peut isoler les textes de leur explicitation - n'est pas une stricte "séparation" Église/État comme l'écrivent les Polonais. Cela n'est pas dans le texte conciliaire qui maintient, à la demande de la Minorité notamment, le cas des accords concordataires. Mgr Minnerath a édité une version mise à jour de son livre sur la politique concordataire du Saint-Siège avant et après Vatican II. Père conciliaire de la Majorité, Mgr Elchinger a répété que le système concordataire alsacien-mosellan est conforme à l'esprit de D.H., Mgr Doré en 2005 l'avait redit en valorisant ce système. Les Polonais renvoient à Pie X or celui-ci a protesté contre l'abrogation de ce système en France en 1905.
Jean-Paul II a plusieurs fois réclamé un statut juridique favorable particulier pour l'Église sans retourner à l'État confessionnel exclusif. La nouveauté est que cette revendication n'est pas faite pour la seule Église catholique mais pour un statut spécial des religions. Au fond l'Église catholique admet en principe le 1er seuil de laïcité que repoussaient, en pure théorie mais jamais en pratique, les papes d'avant Paul VI. Elle rejette toujours le 2è seuil de laïcité, le "laïcisme" selon le mot de Pie XI, en bref Vatican II a théorisé ce que les papes de Pie VII à Jean XXIII ont fait.
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