...mais simplement de respecter les faits : c’est tout de même le moins qu’on puisse attendre d’un historien, non ? À cet égard, opposer, comme vous avez prétendu le faire, Mgr Tissier de Mallerais à Mgr Lefebvre sur la question de la liberté religieuse, ce n’est pas sérieux, ce n’est pas “factuel” (comme vous diriez). Un abbé vient encore de rappeler une déclaration prononcée en 1988 par Mgr Lefebvre :
Nous voulons demeurer attachés à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Or Vatican II a découronné Notre Seigneur. Nous, nous voulons rester fidèles à Notre Seigneur Roi, Prince et Dominateur du monde entier. Nous ne pouvons rien changer à cette ligne de conduite. Aussi, quand on nous pose la question de savoir quand il y aura un accord avec Rome, ma réponse est simple : Quand Rome recouronnera Notre Seigneur Jésus-Christ (c’est moi qui souligne). Nous ne pouvons être d’accord avec ceux qui découronnent Notre Seigneur. Le jour où ils reconnaîtront de nouveau Notre Seigneur Roi des peuples et des nations, ce n’est pas nous qu’ils auront rejoint mais l’Eglise Catholique dans laquelle nous demeurons.
Pour qui sait lire, ce n’est nullement un plaidoyer en faveur de l’instauration
hic et nunc de cet État “confessionnel catholique exclusif” que Mgr Lefebvre n’a jamais connu et qui semble pourtant hanter vos cauchemars. C’est tout simplement la reconnaissance de la parole de Notre-Seigneur à Pilate : “Tu n’aurais sur Moi aucun pouvoir s’il ne t’avait pas été donné d’en haut”, et le souhait, parfaitement conforme à l’enseignement des
papes, que cette reconnaissance devienne peu à peu celle de toute la société, du haut en bas de l’échelle, au lieu d’être reportée à la fin du monde... comme on nous le donne à entendre à présent.
C’est, en sens contraire,
vous qui rêvez si vous imaginez un seul instant que la déclaration
Dignitatis Humanæ n’a posé aucun problème aux fidèles depuis Vatican II, alors qu’elle figure toujours en bonne place dans la récente
supplique d’intellectuels polonais pour demander, après celle de 50 intellectuels italiens l’an passé, un examen du concile Vatican II. À qui ferez-vous croire que tous ces intellectuels sont des nostalgiques d’un État “confessionnel catholique exclusif” ?
Dans l’avertissement placé en tête de l’édition franco-latine de
DH (Cerf, 1967, n° 60 de la collection
Unam Sanctam), le P. Congar reconnaissait – je cite – que “la question de la liberté religieuse est, avec la collégialité, une de celles qui a été discutée le plus à fond au IIe Concile de Vatican”.
Dans le n° 31 (1966 !) de sa revue
Permanences, l’Office de Jean Ousset, auteur du célèbre ouvrage
Pour qu’Il règne, publiait une étude de l’espagnol Blas Pinar Lopez qui tentait de concilier
DH avec “la doctrine de l’Eglise, maintenue par son Magistère — depuis Grégoire XVI jusqu’aux débats de Vatican II” : signe que la question était posée, dès ce moment, à la conscience des catholiques. Jean Madiran soulevait le même problème dans l’article
Le sac de Rome publié dans le numéro 155 de la revue
Itinéraires (1971).
Quand
Mgr de Castro Mayer, répondant à l’invitation de Paul VI, lui adresse ses remarques sur “les actes de l’actuel Magistère Ordinaire de l’Eglise” qu’il ne parvient pas à accorder avec l’enseignement antérieur,
DH est le premier des trois documents qui retiennent son attention.
Bien des années plus tard, la
Lettre adressée à quelques évêques par le P. de Blignières “sur la situation de la Sainte Église” est suivie d’une “annexe sur l’opposition entre le Concile Vatican II et l’Encyclique
Quanta cura” qui occupe plus du tiers de l’ouvrage.
Inversément, c’est seulement après avoir cru pouvoir conclure à l’inexistence de cette opposition que le même religieux finit par reconnaître l’autorité de Vatican II. Même démarche, un peu plus tard, de la part de l’abbé Lucien. Il est inutile, je pense, de rappeler la volumineuse étude de Dom Basile dans le même sens, peu après le ralliement à Rome de Dom Gérard.
Désolé mais, que vous le vouliez ou non,
Dignitatis Humanæ est depuis plus de 40 ans au centre des débats à travers toutes ces prises de position...
V.