La réflexion la plus élémentaire nous montre qu’il y a trois sortes de liberté.
1) D’abord, la liberté psychologique, ou libre arbitre, propre aux êtres pourvus d’intelligence, et qui est la faculté de se déterminer vers tel ou tel bien indépendamment de toute nécessité intérieure (réflexe, instinct, etc.). Le libre arbitre fait la dignité radicale de la personne humaine, qui est d’être sui juris, de relever d’elle-même, et donc d’être responsable, ce que l’animal n’est pas.
2) Ensuite nous avons la liberté morale, qui concerne l’usage du libre arbitre : usage bon si les moyens choisis conduisent à l’obtention d’une fin bonne, usage mauvais s’ils n’y conduisent pas. Vous voyez dès lors que la liberté morale est essentiellement relative au bien. Le pape Léon XIII la définit magnifiquement et d’une manière très simple : la liberté morale, dit-il, est « la faculté de se mouvoir dans le bien » . La liberté morale n’est donc pas un absolu, elle est toute relative au Bien, c’est-à-dire finalement à la loi. Car c’est la loi, et d’abord la loi éternelle qui est dans l’intelligence divine, puis la loi naturelle qui est la participation à la loi éternelle par la créature raisonnable, c’est cette loi qui détermine l’ordre posé par le créateur entre les fins qu’il assigne à l’homme (survivre, se multiplier, s’organiser en société, parvenir à sa fin ultime, le Summum Bonum, qui est Dieu) et les moyens aptes à obtenir ces fins. La loi n’est pas un antagoniste de la liberté, c’est au contraire une aide nécessaire et il faut dire cela aussi des lois civiles dignes de ce nom. Sans la loi, la liberté dégénère en licence, qui est » faire ce qui me plait » . Précisément certains libéraux, faisant de cette liberté morale un absolu, prêchent la licence, la liberté de faire indifféremment le bien ou le mal, d’adhérer indifféremment au vrai ou au faux. Mais qui ne voit que la possibilité de faillir au bien, loin d’être l’essence et la perfection de la liberté, est la marque de l’imperfection de l’homme déchu ! Bien plus, comme l’explique saint Thomas4, la faculté de pécher n’est pas une liberté, mais une servitude : » celui qui commet le péché est esclave du péché » . (Jn 8, 34).
Au contraire, bien guidée par la loi, canalisée entre de précieux garde-fous, la liberté atteint sa fin. Voici ce qu’expose le pape Léon XIII à ce propos
» La condition de la liberté humaine étant telle, il lui fallait une protection, il lui fallait des aides et des secours capables de diriger tous ses mouvements vers le bien et les détourner du mal : sans cela, la liberté eût été pour l’homme une chose très nuisible. — Et d’abord, une loi, c’est-à-dire une règle de ce qu’il faut faire ou ne pas faire, lui était nécessaire »5.
Et Léon XIII conclut son exposé par cette admirable définition, que j’appellerai plénière, de la liberté
» Dans une société d’hommes, la liberté digne de ce nom ne consiste pas à faire tout ce qui nous plaît : ce serait dans l’Etat une confusion extrême, un trouble qui aboutirait à l’oppression ; la liberté consiste en ce que, par le secours des lois civiles, nous puissions plus aisément vivre selon les prescriptions de la loi éternelle »6.
3) Enfin vient la liberté physique, ou liberté d’action ou liberté vis-à-vis de la contrainte, qui est l’absence de contrainte extérieure qui nous empêche d’agir selon notre conscience. Eh bien, c’est précisément de cette liberté que les libéraux font un absolu, et c’est cette conception qu’il va nous falloir analyser et critiquer.
Ils l'ont découronné, Mgr Lefebvre
Cordialement
Meneau