Cher Maître,
Je vous lis avec intérêt et déplore effectivement ces événements qui ont eu des conséquences. Il est certain que la condamnation de 1926 a contribué à inverser le balancier, mais ce processus est plus lent, plus complexe, et je ne suis pas certain qu'un Henri de Lubac ait utilisé cette condamnation pour sortir du bois.
- Henri de Lubac s'appuie notamment sur la patristique. La redécouverte des Pères de l'Église est un processus interne et endogène à l'Église: en raison de la multiplication des sources, des traductions des oeuvres des pères, il est certain que le thomisme traditionnel aurait été concurrencé par d'autres écoles de théologie. Et puis le développement du thomisme lui-même aurait conduit à diversifier la théologie. Par quel miracle, dans une Église où le travail théologique s'approfondit le thomisme aurait pu rester "l'horizon indépassable" ? Le Père de Lubac a publié son premier ouvrage en 1938 et s'il n'a jamais été un maurrassien, il a été plutôt dans une famille légitimiste.
- Sur l'AF, on peut toujours déplorer sa condamnation, mais si la condamnation n'avait pas eu lieu, l'AF n'aurait-elle pas fini par péricliter et perdre son influence sur les catholiques ? Ne serait-ce que parce que son objectif principal qu'est la restauration de la monarchie était inatteignable dans les années 20 et 30. J'incline à penser que d'une manière ou d'une autre, l'AF aurait perdu son influence dans le monde catholique. Peut-être, le processus que vous décrivez aurait été plus lent et moins abrupt. Mais la condamnation de l'AF débouche plutôt sur une perspective "intégraliste" incarnée par Pie XI. On veut encore une société chrétienne avec le Christ-Roi et l'Action catholique. En 1939, un Mgr de Solages appelle à restaurer la chrétienté et s'en remet à... Georges Bidault ! Au sortir de la condamnation de l'AF, on reste encore dans une perspective cléricale de chrétienté (Pie XI, à la différence de Pie X et de Léon XIII ne s'en remet plus aux souverains temporels, mais confie la tâche à l'Église).
On peut toujours regretter que les autorités ont, sans le savoir, mis le doigt dans un engrenage et qu'un balancier qui penche à gauche est aussi un problème dans l'Église. Je trouve l'analyse trop intentionaliste, car elle s'en remet trop aux intentions explicites des acteurs et oublient ces processus complexes. Enfin, le phénomène est trop franco-français: dans bien de pays, on est trop loin de l'AF, alors que certains d'entre-eux ont aussi connu la crise de l'Église (les Etats-Unis, etc.).
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