Merci beaucoup pour ce point très intéressant, j'ai beaucoup appris.
Je m'étais confusément rendu compte que quelque chose n'allait pas au niveau des offices, lorsque je les ai suivi moi-même.
Ce que je supportais le moins était l'aversion de sainte Thérèse pour la musique, ce qui fait que le chant des psaumes est mutilé, au carmel, un psaume est psalmodié sur une ou deux notes, toute l'année si je me souviens bien...peut-être trois pour les fêtes...et historiquement, la raison serait que sainte Thérèse chantait faux, et donc elle a imposé à tous ses couvents cette psalmodie que je trouve inaudible, ou insupportable sur le long terme (j'aime un peu trop le grégorien: pourquoi se passer des richesses de l'Eglise?).
Quant à mon allusion à l'érudition, je pensais à cette anecdote de cette jeune postulante qui demandait si elle pouvait entrer au carmel avec sa bible, ce que lui avait interdit sainte Thérèse comme vous le savez mieux que moi: "Restez chez vous avec votre bible, ma fille."
Je ne défendrai Sainte Thérèse qu'en disant que sa réforme ne peut être parfaite. Et elle demande à être sagement complétée, de toute évidence. On ne peut pas être sur tous les fronts à la fois: veiller à la régularité monastique, se battre avec ses supérieurs pour avoir le droit de fonder, se battre avec les sœurs de l'Incarnation pour que son autorité de prieure soit respectée, se battre pour que la clôture soit tenue, parvenir à maintenir une vie mystique très intense, et en même temps avoir un sens aiguë de la liturgie. Je pense que c'était trop. Certains fondateurs craquent pour ce qui est du vœu de chasteté, d'autres abuseront spirituellement les gens, sainte Thérèse a méprisé la liturgie. Je caricature énormément, mais je veux dire que ce genre d'abus est facilement corrigible, on peut réguler tout cela.
Comme vous je trouve déplorable et nuisible que les soeurs ne sachent même pas ce qu'elles récitent (le vernaculaire facilite certaines choses de nos jours...), et qu'elles lisent à peine, et n'aient même pas une connaissance minimale des Pères du désert. Je pense que c'était de l'humilité mal placée. Après, à l'époque l'instruction des filles était un certain tabou, elle était rare et très appréciée cependant, mais l'éducation de la moniale...de la religieuse!
Je me souviens avoir fait une retraite dans un carmel dit "traditionnel". A l'heure de Sexte ou de None, je ne sais plus, une soeur que j'aidais au magasin me dit que nous allions réciter sept Notre Père, ou quelque chose comme ça, à la place de l'office. Elle me demanda de commencer. Sans réfléchir, ou plutôt par goût, je commençais, avec concentration, les yeux fermés: "Pater noster, qui es in caelis, sanctificetur nomen tuum..." la soeur, qui était âgée, me coupa, et m'excusa d'une voix gênée: "je ne saurais pas continuer..."
Bref, maintenant, c'est pire encore qu'au temps de sainte Thérèse.
N'y a-t-il pas quelque chose de paradoxal et de fou, à considérer que la jeunesse soit plus instruite que la vieillesse? Voilà ce qui me donne peut-être mon impertinence: la vieillesse m'a beaucoup déçue, et souvent. Je me moque éperdument de ceux qui se prétendent sages, ou dont on pourrait le penser, car souvent, j'ai été bien attrapée, et mal récompensée de mon respect.