Une erreur communément admise veut que la nef d'une église soit de nature "profane" et que le choeur où se tient le clergé et où se déroulent les saints mystères soit le seul espace sacré.
A cette vision correspond une ecclésiologie faussée et anti-traditionnelle qui a commencé à se répandre à la fin du Moyen-Age et plus encore à partir du concile de Trente (bien que le concile en lui-même n'enseigne aucune erreur), notamment en réaction au protestantisme. Cette ecclésiologie minimise voire occulte complètement l'importance du sacerdoce baptismal des fidèles, pour ne valoriser que la figure du clerc-prêtre comme étant seul revêtu du sacré. Cette fausse ecclésiologie est très répandue dans les milieux traditionalistes.
Les progressistes et les libéraux "réagissent" à cette erreur fondamentale en tombant dans l'erreur opposée: ils affirment qu'il faut "désacraliser le prêtre" (cf. les récents propos de Mgr Wintzer à ce sujet) ce qui théologiquement et ecclésiologiquement parlant est une énormité et probablement une quasi hérésie.
Ces deux approches (traditionaliste/tridentine et progressiste/libérale) représentent tous deux de très graves ruptures avec l'ecclésiologie traditionnelle telle qu'elle est enseignée dans l'Ecriture, par les Pères, par toute la Tradition et le magistère y compris récent, notamment les enseignements de Pie XII (cf. Mediator Dei) et du dernier Concile.
La réalité est que:
1- toute personne humaine est sacrée car créée à l'image de Dieu.
2- tout chrétien baptisé l'est encore plus, car il devient fils de Dieu et dépositaire du sacerdoce baptismal, qui est un vrai sacerdoce -certes distinct par nature du sacerdoce ministériel-, et non pas une "métaphore" comme l'affirmait la FSSPX dans un texte critiquant Vatican II, ce qui prouve que la FSSPX a une approche de ecclésiologie quasiment hérétique.
3- tout prêtre est revêtu d'un caractère sacré spécifique et supplémentaire, qui est lié au caractère ministériel de son sacerdoce, qui le configure au Christ Prêtre et Serviteur, lui qui est venu non pas pour être servi mais pour servir.
L'Eglise, en tant que Peuple de Dieu, est donc bien un peuple de prêtres; lors de la Messe, ce n'est pas le prêtre-ministre seul qui offre le divin Sacrifice, mais toute l'Eglise-Corps-Mystique avec lui, Eglise dont il n'est que "la Tête" (in persona Christi capitis et non seulement in persona Christi, car tous les fidèles célèbrent in persona Christi, tous sont configurés au Christ par le baptême). Il n'est donc pas faux ni même exagéré de dire que les fidèles concélèbrent avec le prêtre; cependant (et c'est là toute la subtilité que ne comprennent pas les progressistes), s'ils concélèbrent, c'est en vertu de leur sacerdoce propre, qui est le sacerdoce baptismal, et non en vertu d'une quelconque confusion ou "mélange" entre sacerdoce ministériel et sacerdoce baptismal tel que le sous-entend l'approche protestante et progressiste.
Ce qui fait de l'approche "post-tridentine" ou traditionaliste une erreur particulièrement grave, c'est que en réalité le sacerdoce baptismal est plus important que le sacerdoce ministériel, dans le sens où l'exercice du sacerdoce baptismal est la véritable finalité du christianisme (sacerdoce baptismal = salut). Le sacerdoce ministériel est au service de la réalisation du sacerdoce baptismal, ce qui est inscrit noir sur blanc dans le catéchisme.
C'est pour cela que l'on peut dire qu'un fidèle baptisé catholique non pratiquant est comparable à un prêtre défroqué: dépositaire par son baptême du sacerdoce du Christ, il ne l'exerce pas.
Dès lors, occulter ou minimiser l'importance du sacerdoce baptismal, c'est perdre de vue la finalité du christianisme, qui est la divinisation de l'homme en Dieu, par le ministère du Christ, qui est le grand prêtre de l' Alliance nouvelle.
Pour en revenir au sujet de ce fil, la nef d'une église, en tant que lieu où se tient le peuple des fidèles, l'ecclesia sainte, est donc bien un espace sacré. Le choeur (sanctuaire) est lui "sacrosaint", l'autel et le tabernacle sont "le Saint des Saints" où seuls les représentants du Christ-Tête (l'évêque et les prêtres, accompagnés des diacres) peuvent se tenir.
Les progressistes disent que le Christ a aboli le sacré; rien n'est plus faux, c'est exactement l'inverse: le Christ a répandu le sacré, il l'a universalisé, il a détruit le profane, car le profane, héritage de la Chute, n'est rien d'autre que du sacré profané.