Merci pour votre développement très intéressant.
Je suis d’accord avec vous : le ver était déjà dans le fruit et il n’y a pas eu besoin de Vatican II pour que notre civilisation produise des Luther, des Voltaire, des Robespierre, des Marx, des Combes, des révolutions, des guerres meurtrières, des apostasies, des chutes de la pratique religieuse (mais des vocations oui, il le semblerait). Le ver était dans le fruit et vous le placez à la Renaissance. Mais la bonne question est : qui a mis ce ver dans le fruit ? quand et comment ? En répondant à cette question, vous verrez qu’il y est depuis le début et que ce ver, c’est le démon.
Satan a toujours cherché à détruire l’Eglise, mais il a affiné sa stratégie : persécutions physiques, puis hérésies, l’arianisme et son frère presque jumeau l’islam, schismes. A partir de la Renaissance en effet une tentative plus intéressante avec l’humanisme et le retour de l’étude des auteurs païens. A ce sujet lire Gaume et sa réfutation. J’avoue ne pas les avoir suffisamment lus en profondeur pour trancher entre les deux, mais regardez ce qu’il y avait avant : même les Papes du Moyen-Âge n’étaient pas tous des saints et certains rois n’avaient déjà pas hésité à braver l’autorité du Pape (Philippe Auguste et Frédéric Barberousse pour les plus connus). Observez aussi les crimes imputés aux Templiers ! Tout cela ne concerne certes qu'une élite, mais il en est de même pour l'humanisme de la Renaissance. Le bon peuple lui n'a rien senti.
Il est vrai toutefois que la Renaissance marque une rupture intellectuelle et spirituelle sans précédent dans la mesure où elle a une sorte d'effet cliquet dû au progrès techniques qui lui permettent de durer dans le temps et de se répandre dans l'espace : l’imprimerie (n’oublions pas que Luther avait eu des précurseurs pendant le Moyen-Âge mais ceux-ci étaient restés locaux faute de pouvoir en diffuser les idées), les grandes découvertes qui font que la Chrétienté n’est plus en vase clos mais s’ouvre à d’autres cultures elles aussi païennes. Les armes à feu qui gonflent l’homme d’orgueil. Et bien sûr la Réforme. Et c’est là que l’Eglise a admirablement réagi avec Trente. Ce Concile fut ce qu’il fallait faire. D’ailleurs l’Eglise avait besoin de réformes, c’est justement ce que lui reprochaient Luther et Calvin. Et cela a donné le grand XVIIè siècle, qui n’a pas à rougir à côté de l’inégalable XIIè siècle ! Cette effet cliquet a toutefois donné lieu à ce qui est à mon sens la vraie rupture dont nous ne nous sommes jamais remis : la crise de la conscience européenne dont parle Paul Hazard. Cette génération de 1680 à 1715 pendant laquelle les gens qui pensaient comme Bossuet se sont mis à penser comme Voltaire. Et c’est là que l’Eglise a eu du mal à réagir. Certes elle a condamné la maçonnerie mais avec quel effet ? Ce XVIIIè siècle n'a donné aucun saint mais a produit le premier Pape acquis aux idées modernes, Pie VII qui, encore cardinal, avait été qualifié de « jacobin » par Bonaparte pour avoir osé déclarer « Oui ! mes chers frères, soyez de bon chrétiens, et vous serez d'excellents démocrates. La forme du gouvernement démocratique adoptée chez nous n'est point en opposition avec les maximes que je viens de vous exposer. Elle ne répugne pas à l'Évangile. Elle exige, au contraire, ces vertus sublimes qui ne s'acquièrent qu'à l'école de Jésus-Christ. » L’Eglise, devenue minoritaire, a donc eu du mal à réagir, d’où ces rustines que vous qualifiez de corset. En effet, les encycliques des Papes du XIXè siècle jusqu'à Pie XII apparaissent avec le recul comme des tentatives déséspérées de maintenir l'orthodoxie de la doctrine, mais le rôle de l'Eglise n'est-il pas d'assurer la translission du dépôt de la foi envers et contre tout ? Mais la réponse adaptée était-elle de défaire ce corset, ou plutôt de faire en sorte qu’il n’y en ait plus besoin ? A cet égard, Vatican II fut-il un succès (je parle de son efficacité pas de la pertinence intrinsèque de ses textes) ?
Vous riez des messes traditionnelles et de leurs ornements mais que proposez-vous ? Préférez-vous les étoles en grosse laine, les patènes en bois et les crucifix diformes ? La liturgie doit exprimer le mieux possible la réalité de ce qui s’y passe et à cette aune, le missel traditionnel est largement gagnant. D’ailleurs vous convenez que la réforme liturgique, loin d’apporter une réponse aux excès « juridico-disciplinaires » en a été l’aboutissement logique en retournant les autels. Sur le « dos au peuple », c’est absurde : dans tous les cas, le prêtre est tourné vers un crucifix (donc symboliquement vers Dieu, même si ce dernier est bien évidemment partout), et les fidèles avec lui. Le prêtre ne me tourne pas plus le dos que la personne qui est devant moi. Pour remédier à cette erreur de perspective, peut-être que Paul VI n’est pas allé assez loin ; il aurait dû rétablir le jubé !