Bonjour Candidus,
(Je précise, à tort ou à raison, mais je me trompe peut-être,
- que le néo-modernisme se concrétise avant tout dans le domaine de la philosophie et de la théologie (théologie dogmatique, théologie historique),
et
- que le néo-progressisme se développe avant tout dans le domaine de la doctrine morale et de la doctrine sociale,
ce qui fait qu'il arrive que des néo-modernistes ne soient pas du tout néo-progressistes, et que des néo-progressistes soient ce qu'ils sont sur des bases philosophiques et théologiques devenues distinctes de celles sur lesquelles prennent appui des néo-modernistes presque "anti-progressistes".)
La nature même de la "crise de l'Eglise", que nous connaissons et subissons encore plus depuis le début de l'après-Concile sous Paul VI que depuis le début de l'avant-Concile sous Pie XII, rend tout schisme "clair et net", au moyen duquel les néo-modernistes et les néo-progressistes seraient amenés à quitter l'Eglise ou obligés de quitter l'Eglise, presque improbable, et ce pour au moins deux raisons.
Premièrement, il y a une raison d'ordre "politico-institutionnel" : on voit mal des clercs qui ont conquis puis gardé le pouvoir, dans une assez grande partie de l'Eglise, en général, et dans un assez grand nombre de structures de formation et de sélection des futurs clercs, en particulier, accepter de quitter le pouvoir pour mettre en place, pour ainsi dire, une autre Eglise, qui serait encore plus ouvertement "néo-catholique post-conciliaire" que l'Eglise catholique actuelle...
Deuxièmement, il y a une raison d'ordre "thématico-intellectuel" : nous sommes en présence de clercs qui sont les continuateurs de ceux qui ont fait "sécession", cognitive et culturelle, à l'égard de la composante scolastique et surtout vis-à-vis de la composante tridentine de la Tradition catholique, sur des bases philosophiques et théologiques auxquelles quatre papes, de Jean XXIII à Benoît XVI inclus, n'ont jamais dit NON d'une manière catégorique, complète, définitive et précise, avec de nombreuses décisions à caractère disciplinaire.
En effet, une telle "anathématisation" pontificale du néo-modernisme et du néo-progressisme, qui aurait été, en quelque sorte, à la fois historiquement post-conciliaire et thématiquement "anti-conciliaire", et qui aurait été équivalente à une actualisation de ce que l'on trouve sous la plume de Saint Pie X (dans Pascendi) et, dans une certaine mesure, sous celle de Pie XII (dans Humani generis), aurait contraint au moins deux de ces papes (Paul VI et Jean-Paul II) à dire NON à un rapport au catholicisme, ou à une vision du catholicisme, qui ne leur a jamais déplu, d'une manière absolument intégrale et radicale, au point de donner lieu, de leur part, à un "coup d'autorité excommunicateur" de nombreux hommes d'Eglise qui adhèrent à ce rapport ou à cette vision.
Trente ans avant Abou Dhabi puis l'Amazonie, il y a eu, en janvier 1989, la Déclaration de Cologne, au moyen de laquelle, pour le dire en ces termes, quelques centaines de théologiens catholiques d'Europe occidentale ont officialisé le fait qu'ils ont fait sécession tout en restant dans l'Eglise.
Or, à ma connaissance, ces théologiens n'ont jamais été convoqués à Rome, puis condamnés par Rome, dans les années 1990, par un pape Jean-Paul II face auquel ils auraient pu avoir beau jeu de dire (sans doute avec un autre vocabulaire) qu'un conciliaire conservateur qui condamne des conciliaires déconstructeurs s'expose avant tout au risque de condamner une partie de lui-même, puisque, à l'origine, les deux positionnements qui sont ici en présence souscrivent à la même source d'inspiration, au demeurant plus philosophique que théologique, mais là n'est pas la question.
Je me demande parfois si nous ne sommes pas en présence d'un système durablement et profondément auto-bloquant, d'autant plus que, contrairement à ce que certains ont fait ou laissé entendre, dans les années 1980-1990, pour faire patienter ou pour rassurer les fidèles, la "crise de l'Eglise" n'est pas du tout l'affaire d'une seule "génération" de clercs qui constituerait la génération "Vatican II"...
Bonne journée.
Scrutator.