« Comme le dit encore Racine, qu’on ne se lasserait pas de citer, « ce fut dans cette prison que l’abbé de Saint-Cyran écrivit ces belles Lettres chrétiennes et spirituelles dont il s’est fait tant d’éditions avec l’approbation d’un fort grand nombre de cardinaux, d’archevêques et d’évêques, qui les ont considérées comme l’ouvrage de nos jours qui donne la plus haute et la plus parfaite idée de la vie chrétienne ». Sainte Chantal fit preuve d’héroïsme en le proclamant dès lors un saint. Saint Vincent de Paul, qui l’estimait beaucoup et qui lui avait, de même que le Père de Bérulle, de très grandes obligations, n’osa pas le défendre parce qu’il tremblait pour les institutions charitables auxquelles il avait voué sa vie entière, mais du moins il refusa de se joindre à ses persécuteurs. Dans un interrogatoire dont on a vainement contesté l’authenticité, il reconnut son orthodoxie et sa parfaite innocence. Richelieu mort, le supérieur de la Mission reprit courage ; il fut l’un des premiers à venir embrasser Saint-Cyran à Vincennes et à le féliciter de sa prochaine délivrance. Quelques mois plus tard, il jeta de l’eau bénite sur son cercueil et, malgré l’opposition des Jésuites, il s’entremit généreusement pour faire donner à Martin de Barcos l’abbaye que laissait vacante la mort de son oncle. Plus tard, il est vrai, ce même saint Vincent de Paul a écrit contre Saint-Cyran, et il a invoqué un témoignage qui a trompé quelques lecteurs, celui d’une supérieure de la Visitation que l’on a crue être sainte Chantal. Il n’en est rien, il s’agit de la sœur L’Huillier, supérieure du couvent de la rue Saint-Antoine. Cette accusation se trouve dans une lettre écrite par saint Vincent de Paul, en 1648, à l’un de ses prêtres, nommé d’Horgny, qui se trouvait alors à Rome, et cette lettre fait peine à lire. Le lazariste d’Horgny, partisan des doctrines augustiniennes, invitait son supérieur à se ranger du côté de Port-Royal contre les Jésuites, et le saint lui répondit par une déclaration qui revient à ceci : Comment voulez-vous que je sois avec vos amis ? Ils ont contre eux la reine régente, le premier ministre et le chancelier ? Cette lettre fâcheuse, dont il ne faudrait pas abuser, prouve simplement que l’admirable instituteur des Filles de la Charité n’était ni un saint Athanase ni un saint Ambroise. Il fut toute sa vie « un peu timide et trop humble avec les puissants, un peu sujet à la crainte d’offenser les personnes de condition », comme dit Sainte-Beuve à la fin de son premier volume dans une des plus belles pages qui soient sorties de sa plume. »
(Augustin Gazier, Histoire générale du mouvement janséniste, depuis ses origines jusqu’à nos jours, tome I, chapitre 2, 1924, wikisource)
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