En réalité, il faut bien comprendre que le Concile + le missel de 1969 sont les fruits du mouvement liturgique.
Sauf que ce mouvement n'a pas été monolithique, il y a eu plusieurs tendances en son sein. Toutes ces tendances partent d'un même constat: la liturgie en Occident est profondément malade, elle s'est coupée de la vie de l'Eglise et a dégénéré en rituel purement formaliste. Le problème n'est pas dans le constat (sur lequel tout le monde s'accorde), mais sur les solutions:
- une tendance "restaurationiste": c'est celle de Dom Guéranger et de St-Pie X, intransigeante, ultramontaine, qui entend restaurer l'esprit de la Tradition liturgique originelle (retour du grégorien, généralisation du rite romain) dans un contexte "intransigeant".
-plusieurs tendances intermédiaires, composées d'intellectuels de haut vol, qui globalement partagent les vues de la première tendance, mais moins axés sur l’intransigeance ultramontaine du XIXe siècle. On y retrouve R. Guardini, L. Bouyer, etc.
-enfin, une tendance "pastoralisante", qui en réalité est l'expression liturgique du modernisme/progressisme: disparition de la langue sacrée, face au peuple, compositions musicales et chorales nouvelles remplaçant le grégorien, réinvention complète des rites, etc.
On peut dire que Sacrosanctum concilium est le fruit d'un compromis entre les deux premières tendances (d'où la quasi-canonisation du grégorien, le primat de la contemplation, le maintien de la langue sacrée avec une tolérance limitée pour le vernaculaire, etc). C'est je pense la bonne option.
Le missel de 1969 n'est déjà plus sur la même ligne et apparaît plutôt comme un compromis entre la 2e et la 3e tendance.
C'est l'atmosphère révolutionnaire des années 1970 qui explique que beaucoup d'hommes d'Eglise, influencés par cette atmosphère, aient pu passer de la 1ère tendance à la troisième.
En outre, il ne faut pas oublier que les évêques pris individuellement étaient loin d'être des spécialistes de liturgie; beaucoup se sont tout simplement adaptés à l'opinion majoritaire qui régnait dans leur diocèse, et qui était majoritairement acquise à la troisième tendance. En outre, paradoxalement c'est le modèle ultramontain (c'est à dire, soumission docile à tout ce qui vient de Rome, l'évêque n'étant vu que comme un "préfet" du pape, ce qui est contraire à l'ecclésiologie traditionnelle qui veut que l'évêque est bien le chef autonome de l'Eglise locale, le Siège romain n'étant que le signe et le garant de la communion universelle sur la base de l'orthodoxie catholique) qui a favorisé une application littérale du missel de 1969, mais sans comprendre l'esprit de la Tradition liturgique qui va nécessairement avec. D'où la généralisation du chaos liturgique dans les années 1970, chaos qui avait commencé, je le rappelle, dans le cadre de la messe de St-Pie V (puisque les messes face au peuple en vernaculaire et à la guitare commencent dès le début des années 1960, soit plusieurs années avant 1969).
On voit donc qu'affirmer que c'est Vatican II qui a voulu le chaos liturgique des années 1960-1970 est faux, tant sur les plan théologique que tout simplement historique. Par ailleurs, le missel de 1969 a bien été une tentative de la part de Rome de reprendre la main sur le plan liturgique (alors que la situation virait déjà au chaos généralisé). Le problème est que cette reprise en main s'est faite en cherchant le point moyen entre Sacrosanctum concilium et ce qui se passait déjà sur le terrain, ce qui a nécessité des concessions. D'où l'introduction de trois prières eucharistiques supplémentaires en plus du canon romain, ce qui a été en réalité une tentative "d'encadrer" la multiplication des prières eucharistiques qui se multipliaient à l'infini, et qui pour la plupart consistaient en de malheureuses improvisations dont certaine versaient carrément dans l'hérésie.
Soutenir le Forum Catholique dans son entretien, c'est possible. Soit à l'aide d'un virement mensuel soit par le biais d'un soutien ponctuel.
Rendez-vous sur la page dédiée en cliquant ici.
D'avance, merci !