Voici un article du blog OnePeterFive, écrit par le professeur Peter Kwasniewski, "conservateur" repenti américain, qui doit sa "conversion" au pontificat bergoglien.
Le titre de l'article est : RIP, Vatican II Catholicism (1962-2018), il illustre le miracle bergoglien qui transforme des "conservateurs" en traditionalistes. J'en traduis ces extraits :
J'ai été l'un de ces savants talmudistes qui tentent de réaliser la quadrature des cercles contenus dans les seize documents du Concile. J'ai loué leur orthodoxie textuelle et j'ai déploré la négligence avec laquelle on les traitait ou la déformation que leur faisaient subir ceux qui les prenaient en otages. Je savais que le catholique fidèle commençait toujours ses phrases par "si seulement… ": "Si seulement la nouvelle liturgie était correctement célébrée…" ; “Si seulement le nouveau catéchisme était largement enseigné…”; “Si seulement le monde entier pouvait suivre l'exemple du grand pape polonais” (et plus tard, “le grand pape allemand”).
C’est dans ce monde que je vivais. Depuis, je suis passé dans une demeure plus grande et plus belle appelée le catholicisme traditionnel. J'étais fatigué de vivre dans un bâtiment récent, soi-disant plus économe en énergie et respectueux de l'environnement, mais en réalité un bâtiment fragile, rempli de courants d'air, fluorescent, infesté d'insectes et en ruine, produit par le seul Concile Oecuménique qui n'ait formulé aucune définition solennelle ni publié d'anathème. Grâce à des études approfondies réalisées par des auteurs tels que Wiltgen, Davies, Amerio, Ferrara, de Mattei et Sire, je me suis rendu compte que les preneurs d'otages n'étaient pas des figures de l'après-concile, mais plutôt ceux qui, au sein du Concile, l'avaient guidé intelligemment vers le progressisme et le modernisme auxquels ils aspiraient secrètement, posant délibérément des "bombes à retardement" dans ses documents - des phrases ambiguës qui pouvaient être comprises de telle ou telle manière, et qui de fait ont été interprétées dans tous les sens durant cette guerre perpétuelle à multi facettes que se livrent libéraux et "conservateurs" de toutes tendances.
Je me suis rendu compte que le problème était la nouvelle liturgie - pas seulement la manière manifestement mauvaise selon laquelle elle était partout "célébrée", mais en soi, dans ses livres officiels, son texte, ses rubriques. Le nouveau catéchisme, lui aussi, dans sa verbosité diffuse et son survol de points difficiles tels que l'autorité du mari dans le mariage, n’était pas la solution magique ; en effet, ce catéchisme a récemment été rétrogradé au statut de groupe de réflexion au service du Narcisse régnant, ce qui lui confère une valeur équivalente à celle d’un entretien en avion. Avant tout, j’ai constaté que "suivre le pape" où qu’il aille, sur terre, sur mer ou dans le ciel, n’est pas seulement une solution, mais une grande partie du problème.
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Ces cinq dernières années ne sont pas une catastrophe soudaine venue de nulle part ; elles sont le concentré des cinquante dernières années, le dernier acte d’une tragédie qui s'est jouée sous nos yeux. Bergoglio est la synthèse des pires tendances de Roncalli, Montini, Wojtyła et Ratzinger, sans aucune des qualités qui les rachetaient. Les prédécesseurs de François étaient des progressistes incohérents, pleins de contradictions ; François est un moderniste sans fard. De la même manière que le conservatisme politique est un libéralisme insinueux, le catholicisme postconciliaire est un modernisme insinueux. Le plus tôt nous en prendrons conscience, le plus tôt nous rejetterons la totalité de l'expérience ratée et agressive de l'aggiornamento au profit d'une adhésion sans équivoque à la foi catholique dans sa liturgie séculaire et perpétuellement jeune, dans sa doctrine magnifiquement harmonieuse et holistique, dans son exigence et sa morale salvifique.
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Cette situation n’est pas entièrement de la faute de François ; en effet, il récolte sinistrement ce que ses prédécesseurs ont semé, même s'il détruit aussi une grande partie de ce qu'ils ont construit. Au final, il n'y a que deux raisons pour lesquelles nous avons eu le conclave de cardinaux qui a élu Bergoglio : Wojtyła et Ratzinger. Plus généralement, ils sont la raison pour laquelle nous avons un épiscopat mondial composé d'une infime minorité d'évêques traditionnels (j'entends par là d'évêques qui croient, prêchent, promeuvent et défendent la foi catholique telle qu'enseignée, entre autres, par le Concile de Trente) et une énorme majorité de féroces libéraux, de conservateurs sans dents et de bureaucrates tailleurs de crayons. Si Jean-Paul II avait passé moins de temps à parcourir le monde et à écrire des encycliques massives, denses et à présent en grande partie oubliées (à l'exception éclatante de Veritatis Splendor), il aurait consacré plus de temps à son devoir primordial, celui de choisir des évêques d'une orthodoxie éprouvée, d'une probité morale assurée et d'un vrai attachement à la sainte liturgie ; des hommes sans le moindre soupçon de libéralisme ni de laxisme ; l’Église se trouverait aujourd'hui dans une situation radicalement différente. On pourrait en dire autant du professeur devenu pontife, Benoît XVI, un homme qui nous est cher mais dont l'action a été en grande partie inefficace. Le 11 février 2013 le caprice pardonable d'une personnalité effacée s'est transformé en cauchemar.