Le sacrement du mariage est bien distinct des autres, comme l’a bien souligné Chicoutimi, dans la mesure où les ministres de ce sacrement sont deux, les époux, et pas le ministre ordonné. C’est lui qui, au nom de l’Église, accueille le consentement, validement s’il est pourvu de la juridiction nécessaire (sauf exception prévue par le droit).
Pour l'intention de faire ce que fait l'Église, pour les sacrements en général, il faut s'en tenir au principe énoncé par Saint Thomas :
(Summa Theol. III, q. 64, art. 8 ad 2)
minister sacramenti agit in persona totius Ecclesiae, cuius est minister ; in verbis autem quae proferuntur, exprimitur intentio Ecclesiae ; quae sufficit ad perfectionem sacramenti, nisi contrarium exterius exprimatur ex parte ministri et recipientis sacramentum.
Pour les Gaulois :
le ministre du sacrement agit comme représentant de l'Église tout entière dont il est le ministre; les paroles qu'il prononce expriment l'intention de l'Église, qui suffit pleinement à l'accomplissement du sacrement, pourvu que ni le ministre ni le sujet ne manifestent extérieurement une intention contraire.
Étant donné que, lors du mariage, les époux se confèrent mutuellement le sacrement, l'intention doit être recherchée dans le consentement matrimonial qu'ils expriment.
Pour qu'un consentement soit valable, il suffit toutefois d'un minimum, à savoir la connaissance de la nature du mariage en tant qu'union durable entre un homme et une femme en vue de la procréation d'enfants, et la volonté de conclure une telle union.
Cette connaissance est présumée de plein droit chez les personnes sexuellement mûres. Aucun être humain adulte n’ignore que si mâle et femelle se mettent en ménage pour une période durable (pas pour un jour) et s’accouplent, un enfant est à terme le résultat naturel et prévisible d’une telle union. Cette connaissance naturelle suffit. Toute présomption contraire devrait être prouvée. Mais si cette connaissance n'existait pas (chez des abrutis p.ex.), il n'y aurait pas de consentement matrimonial valable.
Ce consentement peut être annulé par la contrainte ou la menace, mais la charge de la preuve de cette contrainte ou de cette menace incombe à celui qui intente l'action en nullité pour vice de consentement.
Il est présumé que la volonté intérieure des contractants est conforme à la volonté exprimée extérieurement. Le contraire devrait être prouvé. Cela vaut par ailleurs pour tous les sacrements.Ce consentement n’est pas invalidé par une erreur sur certaines caractéristiques essentielles du mariage, comme son unité, son indissolubilité ("durable" et "indissoluble" ne se recoupent pas !) ou sa sacramentalité : une telle erreur (
error simplex) n'affecte pas la validité du consentement, même si cette erreur était déterminante pour la conclusion du mariage, c'est-à-dire si le mariage ne se serait pas conclu si l'un des contractants avait su qu'il était sacramentel et indissoluble ; ce n'est que si une telle erreur (devenant par là erreur qualifiée,
error qualificatus) était expressément érigée en condition pour la conclusion du mariage que le consentement serait invalide.
Cela signifie également qu'un acte positif de la volonté d'exclure un élément essentiel du mariage (par exemple la procréation d’enfants) n'entraînerait la rupture du consentement pro foro externo que s'il pouvait être prouvé, ou s'il était prouvé. Un acte de volonté contraire jamais exprimé, établi tacitement, aurait tout au plus un effet pro foro interno, mais ce qui ne signifie rien dans la pratique.
Pour qu'un consentement soit valable, il suffit par conséquent que les contractants sachent (pas nécessairement : croient) que le mariage est une union durable entre un homme et une femme en vue de la procréation d'enfants (complément nécessaire !), et qu'ils veulent cette union pour eux-mêmes.
Ils n'ont pas besoin de savoir (ni de croire) que le mariage n'est pas seulement permanent, mais indissoluble, et qu'il s'agit d'un sacrement, pour que leur consentement soit valable. L’ignorer est une erreur simple. (C’est le cas de la majorité des protestants validement baptisés qui contractent un mariage civil devant leur maire, qui est par ce fait même valide, sacramentel et indissoluble, même à l’insu des contractants.)
Mais s'ils le savent et ne le veulent pas, sans toutefois exprimer explicitement ce non-vouloir comme condition formulée de leur mariage, leur consentement de mariage est tout de même valide. Il n'est invalide que si l'erreur est expressément érigée et formulée en condition (erreur qualifiée).
Il est vrai qu’établir la différence entre les deux (erreur simple indifférente et erreur qualifiée invalidante) est souvent difficile, voire impossible, dans la pratique. Mais comme la validité du mariage est toujours présumée (
matrimonium gaudet favore iuris), l'erreur simple est présumée et l'erreur qualifiée doit être prouvée.
Pour plus de détails, voir les manuels de morale et les commentaires du CIC p.ex. Heribert Jone (
Commentarium in Codicem Iuris Canonici, II, 1954, 302-318) et Eduard Eichmann (
Lehrbuch des Kirchenrechts II, 1930, 114-116, chapitre sur les vices de consentement), respectivement sur les can. 1082-87 du CIC. Jone, notamment, cite des extraits de quelques décisions très intéressantes de la Rote romaine à ce sujet, datant de 1941 et 1904, où il a été statué, entre autres, sur un mariage célébré par des protestants (il a été déclaré valide).
Tout cela concerne bien sûr le CIC 1917, mais pour l'essentiel il en va de même dans le code de votre obédience de 1983 (n°s. 1096 et 1099).