L'ecclésiologie invoquée exacerbe Vatican I. Mais pas exclusivement en référence au dernier paragraphe de Pastor Aeternus comme beaucoup de tradis qui voudraient circonscrire strictement l'assistance divine promise à l'Eglise aux seule définitions ex cathedra, mais aussi par rapport à Dei Filius concernant le MOU et aux autres écrits des papes qui se sont exprimés sur le sujet.
Je ne dirais pas "exacerbe", mais "explicite", d'ailleurs en plein accord avec les théologiens orthodoxes de l'après 1870, en partie expressément confirmés par les Papes.
Je ne vous apprends rien si je dis, d'ailleurs pas pour la première fois, que ce n'est pas seulement dans
Pastor Aeternus (Denzinger 1839) qu'il est question de l'infaillibilité, mais aussi, quoique plus implicitement, dans
Dei Filius (D 1792), et qu'il faut prendre ces deux textes ensemble pour comprendre correctement la portée de l'infaillibilité de l'Église et du Pape, comme l'ont fait dès 1870 les premiers commentaires catholiques du Concile, explicitement confirmés et faits siens dans certains cas par le pape Pie IX, et les manuels d'ecclésiologie non encore infectés par les crises du XXe s.
En revanche, dans la littérature la plus récente, j'entends : depuis les années 30 ou la dernière guerre passée, donc sous l'influence à nouveau croissante du modernisme les dernières années du pontificat du pape Pie XI, notamment après le décès inopiné du cardinal Merry del Val, et sous l'influence du catholicisme libéral renaissant, et, depuis le désastre conciliaire, aussi de la littérature "tradie" souvent française et gallicanisante, le terme "ex cathedra" est régulièrement interprété comme s'il était l'équivalent de "solennellement", "expressément", alors qu'il signifie simplement "dans l'exercice de sa fonction", sans exigence formelle, comme l'explicitent par ailleurs le texte même de la définition (
id est, cum ... munere fungens ...) et les commentaires.
Ainsi il n'est pas rare de lire, et c'est une sottise théologique de première ordre, de laquelle une lecture un peu sérieuse de la littérature aurait pu préserver, que le Pape ne s'exprimerait infailliblement "qu'une ou deux fois par siècle" (on sous-entend que par ailleurs il peut impunément raconter n'importe quoi).
Ce n'est évidemment pas le cas. Faut-il le dire ? On se passerait bien d'un tel Pape, appelé à "confirmer ses frères dans la foi" (donc forcément sans pouvoir se tromper et tromper les fidèles, sinon ce ne serait pas la peine), s'il fallait attendre chaque fois à peu près 100 ans. Non,
cotidie exercetur, disait le pape Pie XI : ce magistère s'exerce tous les jours.
Nous souffrons beaucoup du fait que le Concile du Vatican a dû rester inachevé, mais nous ne sommes pas dispensés de lire, d'étudier et de combiner les textes existants, notamment la relation précise entre les passages parallèles D 1792 et D 1839, et en particulier la portée exacte du magistère ordinaire et universel de l'Église avec le Pape ou du Pape seul (non abordée explicitement par
Dei Filius), en se basant sur les commentaires autorisés de ces textes (je songe à Scheeben, spécialement).
Si les schémas
de Ecclesia complémentaires avaient été votés, toute discussion serait superflue, et ceux "qui voudraient circonscrire strictement l'assistance divine promise à l'Église aux seules définitions ex cathedra" [dans le sens limité, et erroné, de "solennelles"] seraient des hérétiques formels, alors qu'aujourd'hui, ils demeurent, heureusement pour eux, proches d'hérésie.