L'omniprésence de la figure du pape dans la vie de l'Eglise est un phénomène très malsain, récent et moderne. C'est du jacobinisme clérical.
Je pense que la majorité des chrétiens ne connaissaient même pas le nom du pape régnant jusqu'au XIXe siècle.
On oublie souvent que normalement, une encyclique n'est rien de plus qu'une lettre adressée par le pape aux évêques (un peu comme les épîtres de Paul). Une encyclique ne s'adresse théoriquement pas (sauf mention contraire explicite) à tout le Peuple de Dieu.
On oublie aussi qu'un évêque est le véritable chef de l'Eglise locale avec théoriquement une relative autonomie (à partir du moment où il reste dans les limites de l'orthodoxie doctrinale), et non pas un simple préfet du Vatican, une sorte de fonctionnaire administratif docile. L'inflation de la figure du pape est une réaction du corps ecclésial à l'affaiblissement de la foi à l'intérieur et surtout aux attaques extérieures (à partir de la Réforme, puis avec les "Lumières"): face aux assauts des idées nouvelles pernicieuses, il a fallu serrer les rangs autour d'un chef unique. Mais durant les quinze premiers siècles de l'Eglise, il n'en était pas ainsi.
Cet ultramontanisme a plusieurs conséquences fâcheuses:
-une docilité quasi militaire aux directives romaines que l'on s'imagine compenser l'affaiblissement de la foi: le pape l'a dit, donc c'est ce qu'il faut faire, sans prendre le temps de distinguer les différents niveau d'autorité et d'infaillibilité;
- une médiocrité générale de l'épiscopat, composé d'évêques qui ne prennent aucune initiative, qui sont souvent dotés d'un caractère médiocre marqué par la servilité à l'égard de Rome (ce qui n'a rien à voir avec l'obéissance). Notons au passage que ce n'est pas incompatible avec le fait de ne pas tenir compte des enseignements romains comme c'était le cas sous tous les papes depuis Paul VI jusqu'à Benoit XVI; les évêques sont des serviles désobéissants. La servilité est une pseudo-obéissance qui n'est pas éclairée par la lumière de la Foi.
- une inflation de l'actualité du Vatican qui concentre l'attention de toute l'Eglise mais qui provoque chez les fidèles l'oubli du fait que leur devoir est d'abord et avant tout de s'intéresser à l'Eglise locale, à savoir leur diocèse.
L'attitude consistant à ne plus perdre son temps à scruter l'actualité romaine ou le moindre propos de table (ou d'avion) du Saint-Père et à se concentrer sur le développement de sa paroisse d'abord, et de son diocèse ensuite, me paraît donc être très saine.
Le problème, c'est qu'à notre époque ce n'est pas facile.
Sur internet (qui encourage le phénomène ultramontain, comme tous les médias modernes), la plupart des sites catholiques ne parlent plus que du pape François (pour le critiquer ou pour l'aduler).
Dans les libraires catholiques, 1/4 des étagères sont remplis de livres du pape François.
On allume la télé le soir au 20h, on entend pape François ceci, pape François cela. De même dans la presse écrite.
Le dimanche à la messe, on a 75% de chances de tomber sur un célébrant qui ne peut s'empêcher de glisser dans son homélie la phrase magique: "...et comme le dit le pape François..."
Enfin, quand on discute de foi avec un autre fidèle ou même un non-croyant, on s'entend répondre en général au bout de 5 minutes de conversation: "oui, mais pourtant le pape François a dit que..."
Donc effectivement, il n'est pas facile aujourd'hui d'adopter la bonne attitude.
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