Le Forum Catholique

Votre message m'évoque une récente mauvaise lecture qui fait écho, en passant, à cette notion que le cléricalisme catholique est d'origine vétérotestamentaire.

Le bal des hypocrites

Quelle bonne nouvelle ! Mgr Huonder, ultra-conservateur évêque de Coire (Suisse), partira en retraite au printemps prochain après avoir été prolongé deux années au-delà de ses 75 ans. Malgré tout, il y a une mauvaise nouvelle : ce fieffé homophobe, ce serpent qui n’eut de cesse de casser son diocèse durant ses douze années d’épiscopat, va loger à l’Institut Sancta Maria de Vilters-Wangs (canton de Saint- Gall) appartenant à... la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX) ! Il s’agit d’un ordre de la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF), si l’on en croit une dépêche de cath. ch1, laquelle précise que Mgr Huonder est en vérité « chargé de garder le contact avec la FSSPX », et qu’il fut au vrai prolongé pour cette raison : maintenir le « contact ». Cette décision permet de ramener à sa juste proportion la suppression de la Commission Ecclesia Dei, en charge des communautés tradis et du dialogue avec les intégristes, le 19 janvier dernier. Désormais, une section spéciale de la CDF traitera de cette sphère et mènera des négociations doctrinales avec les lefebvristes. Ces derniers ne savent plus où se mettre : cela faisait des mois qu’ils réclamaient de pouvoir parler avec un cardinal de Curie et non un archevêque. On a des rêves de grandeurs chez les intégristes... Surtout que François serait prêt à faire des concessions sur l’interprétation du Concile (on se demande bien lesquelles !) mais il faut que la FSSPX accepte Vatican II (ce qui ne semble pas demain la veille). Officiellement. Officieusement, un évêque réac – référent informel – assurera une charge quasi pastorale, missionné par la Curie pour chaperonner la FSSPX et l’inciter à de meilleurs sentiments. Rome est trop bonne.

Evidemment, c’est un combat perdu d’avance pour les intégristes ; jamais aucun pape ne reviendra sur le Concile Vatican II – il provoquerait un schisme. Certes, ils ont des prêtres et des séminaristes, et pour cause : il n’y a plus que de ce côté-là de l’échiquier ecclésial où l’on croit encore à cette invention doctrinale et ecclésiale pour prolonger le sacerdoce juif ; il n’y a plus que de ce côté-là de l’échiquier ecclésial où l’on croit encore aux vertus du cléricalisme et de l’élitisme, où le non-prêtre n’est rien, ne pèse rien, n’a droit à rien. N’est-ce donc pas une perte de temps ? La CDF n’a-t-elle pas mieux à faire que d’organiser des colloques avec des gens qui, quoi qu’il arrive, n’accepteront jamais de reconnaître ni la collégialité, ni la liberté religieuse, ni le dialogue interreligieux, ni l’œcuménisme ? Qui lit de temps en temps la prose intégriste mesure l’abîme entre eux et nous : nous ne vivons visiblement pas dans le même siècle, nous n’avons pas la même vision des relations avec autrui, nous ne faisons pas Eglise de la même façon. Nous ne croyons pas au même Dieu. Mais le pape étant pontife, son rôle est de maintenir la communion et même de la rechercher. Cependant, l’on peut s’interroger à bon droit : si l’on ne manque jamais de dérouler le tapis rouge pour ces cathos de l’extrême, nostalgiques des pouvoirs autoritaires, monarchiques et dictatoriaux (à travers le monde), on ne fait en revanche aucun effort avec ceux qui, lors de Vatican I, refusèrent le dogme de l’infaillibilité pontificale et la juridiction universelle de l’évêque de Rome qui en font un demi-dieu. Quand des évêques catholiques appellent à l’intercommunion avec les protestants, on fait la sourde oreille, on demande de réfléchir encore un peu : hâtons- nous lentement. Hypocrisie !

C’est le paradoxe de ce pontificat, usant à bien des égards, et pas seulement pour le pape jésuite. Aujourd’hui, il fait un pas en avant (en accordant une demande des intégristes) envers l’extrême droite du Christ ; dans le même temps, il appelle à se battre contre l’élitisme et le cléricalisme ; plus tard, il démet le cardinal-archevêque de Lima, Mgr Cipriani Thorne de l’Opus Dei, tout juste 75 ans pour le remplacer par un théologien de la Libération, Mgr Castillo Mattasoglio (nous y reviendrons prochainement)... Tout est à l’avenant, comme si le pape argentin écrivait droit avec des lignes courbes. Nous allons donc encore subir ce feuilleton qui dure depuis des décennies, ces mamours romano-intégristes, ces discussions sur, in fine, le sexe des anges avec, de temps en temps dans la presse des entretiens donnés par les deux parties nous expliquant le plus sérieusement possible que l’« on avance » (ou pas). Ils peuvent bien avancer : on ne fera pas plier plus d’un milliard de catholiques pour une poignée de catholibans, essentiellement français et allemands, quand bien même ils disposent dans leurs rangs de quelques centaines de prêtres et de séminaristes en soutane qui se moquent des travers du cléricalisme et de l’élitisme comme de leur premier oremus. Rome comme la FSSPX doivent comprendre qu’instaurer la Royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ sur cette terre ne sert à rien : le royaume est déjà parmi nous.

Golias Hebdo n° 561 (semaine du 31 janvier au 6 février 2019)
Ce numéro comporte aussi un long article Traditionalistes : ce que révèle la fin d’« Ecclesia Dei »

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