Bonjour et bon dimanche, Alonié de Lestre.
Je me permets de vous renvoyer à un fil à ce sujet, un fil qui date de septembre 2011.
Voici :
Ici.
1. Ce qui suit constitue une tentative de réponse rapide à vos questions.
I. "les différences entre la nouvelle et l'ancienne théologie :"
1. L'ancienne théologie, néo-thomiste, "scolastique" et "tridentine", est, se veut, ou est perçue comme étant assez :
- axiomatique et démonstrative,
- controversiste et exclusiviste,
- normativiste et objectiviste,
- spéculative et synthétisante.
2. La nouvelle théologie, non thomiste, ou, en tout cas, non exclusivement ou non essentiellement thomiste, est, se veut, ou est perçue comme étant plutôt :
- adogmatique, ou, en tout cas, a-systémique,
- exégétique, ou, en tout cas, analytique,
- herméneutique, interrogatrice des contextes et des fondements,
- oecuménique, sinon consensualiste et inclusiviste,
- personnaliste, interpellatrice pour la personne humaine.
II. "Pourquoi des gens ont voulu développer une nouvelle théologie ?Elle avait quoi l'ancienne qui ne leur plaisait pas ?"
A leurs yeux, l'ancienne théologie était
- de plus en plus déconnectée ou dissociée d'une exigence de mise à plat ou de prise en compte des contextes historiques successifs et des fondements non philosophiques, pour ne pas dire non aristotéliciens, du discours chrétien, id est de l'Ecriture et de la composante patristique de la Tradition ;
- de moins en moins accueillante et de plus en plus desséchante, sous l'angle des répercussions pastorales et spirituelles, pas toujours conscientes ni toujours volontaires, de l'adhésion, sinon de la soumission, à cette théologie un peu fixiste et rigide.
III. "Qu'y a t-il de positif et de négatif dans chacune d'elles ? La nouvelle est-elle construite en réaction à l'ancienne ?"
A) L'ancienne théologie était, par nature, conservatrice, dans sa forme, mais a été accusée de ne pas ou de ne plus être suffisamment propagatrice, dans son fond.
Il y a eu une volonté légitime d'exactitude intellectuelle qui s'est transformée, ou qui a été transformée par ses détracteurs, en une espèce d'absolu, plus isolant pour l'Eglise qu'impliquant dans le monde, et protecteur de la théorie au risque d'être sclérosant dans la pratique.
De de fait, l'ancienne théologie a été accusée d'être devenue formaliste et légaliste : son ambition était de parvenir à une formulation anhistorique ou intemporelle, définitive et officielle, et le résultat a été jugé, pour ainsi dire, "artificiel" et "procédural".
L'acte de décès d'un certain rapport, fidèle (voire servile, aux yeux de ses détracteurs), vis-à-vis de l'ancienne théologie, a été établi, au moyen du refus, du rejet, de la quasi totalité des projets officiels de schémas conciliaires, au début du Concile.
B) La nouvelle théologie a permis de redécouvrir ou de réhabiliter les Pères de l'Eglise qui étaient moins connus, notamment, que Saint Augustin, ce qui a permis de faire droit à la diversité des expressions de la Foi au sein même de l'Eglise, diversité dans l'espace et dans le temps, mais aussi diversité dans le style.
La contribution de la nouvelle théologie à l'actualisation ou à la "modernisation" du discours chrétien ne s'est pas limitée à ce retour aux sources patristiques : la nouvelle théologie est aussi "une pensée du détour", du détour par la modernité, littéraire ou philosophique, et pour cette raison, on ne peut pas dire qu'elle ait fait mauvais accueil à Kant ou à Hegel, ou, en tout cas, à un état d'esprit, indirectement kantien ou hegélien, sensible à la conscience et à l'histoire humaines.
A l'ambition d'exactitude intellectuelle s'est substituée une ambition d'authenticité confessionnelle, caractérisée par des préoccupations, parfois plus anthropologiques que strictement théologiques, qui ont été ou qui, là encore, se sont voulues, plus "existentielles" et "fondamentales".
IV. "Y a-t-il moyen de faire une "super théologie catholique" officielle en ne prenant que le bon de l'ancienne et de la nouvelle théologie et en en rejetant le mauvais ?"
Une possibilité, avant-hier, de thèse, hier, d'antithèse, aujourd'hui, de synthèse ?
a) un élément de réponse "pessimiste" : il n'y a que les gens qui ne veulent pas (faire) connaître, comprendre, reconnaître la relative hétérogénéité ou incompatibilité
- entre les fondements, plus philosophiques que théologiques, d'au moins une partie de l'ancienne théologie,
- et ceux, eux aussi plus philosophiques que théologiques, d'au moins une partie de la nouvelle théologie,
qui pensent ou disent, croient, font ou laissent croire qu'une synthèse est envisageable et réalisable ;
b) un élément de réponse "optimiste" : les blocages et les clivages d'avant-hier puis d'hier sont derrière nous : presque plus personne, aujourd'hui, n'est thomiste "à l'ancienne", les principaux théologiens qui ont porté la nouvelle théologie sur les fonts baptismaux sont tous morts avant le milieu des années 1990, par ailleurs Benoît XVI, héritier de la nouvelle théologie, en a rejeté les virtualités les plus équivoques ou les moins orthodoxes, et il est donc "enfin possible" d'aller en direction d'un dépassement ou d'un recentrage, sinon d'une synthèse (qui serait artificielle et superficielle) entre l'ancienne et la nouvelle théologie ;
c) un élément de réponse "réaliste" : on ne reviendra pas en arrière ; ce sera déjà bien beau, si l'on revient à l'essentiel ; le récent document de la commission théologique internationale sur la théologie nous y exhorte aujourd'hui :
Ici.
2. Si vous voulez vous faire une idée encore plus précise de ce dont il est question ici, vous pouvez, me semble-t-il,
- vous tourner notamment vers Gardeil, Garrigou-Lagrange, Sertillanges, Gilson, Maritain, en ce qui concerne, si j'ose dire, l'ancienne philosophie et /ou l'ancienne théologie,
La synthèse thomiste.
- vous tourner notamment vers les ouvrages de la collection "Initiation aux théologiens", parus aux éditions du Cerf, et consacrés à Balthasar, Congar, de Lubac, Rahner, pour ce qui a trait à la nouvelle théologie.
Je vous remercie beaucoup pour votre question et vous souhaite une bonne réception de ces quelques éléments de réponse CERTAINEMENT AMENDABLES ET PERFECTIBLES ; il va de soi que j'aurais dû mettre ancienne théologie et nouvelle théologie, à chaque fois, entre guillemets, et j'aurais été encore plus concret, si j'avais cité quelques noms dès le début de ce message.
Je remercie par avance les personnes qui s'y connaissent mieux et plus que moi, notamment sur cette question, pour leur bienveillance et leur indulgence, au contact de ce message ; j'ai parfaitement conscience de son caractère quelque peu schématique, mais il est impossible de répondre à la question qui a été posée en faisant ressortir toute la complexité, la diversité, et surtout les nuances, qui caractérisent ce dont il est question ici, car cela nécessiterait AU MOINS un livre.
Bon dimanche et à bientôt.
Scrutator.