J'ai souvent souscrit à vos analyses mais je ne trouve pas celle-ci très pertinente. Bien entendu, l'incohérence qui consiste à favoriser la FSSPX en début de pontificat et à détruire plus tard le dispositif le plus favorable envers le traditionalisme (Summorum pontificum) est assez incompréhensible au premier abord. Un certain nombre d'observateurs ont dès lors essayé de faire du pape un tacticien machiavélique dont tous les faits et gestes seraient finement pesés. Ainsi, ils présentent l'idée selon laquelle la FSSPX serait, pour le pape, un radeau qu'on décore et qu'on équipe afin de le rendre attractif pour finalement, le jour venu, faire couler tout le monde à son bord. Mais je ne trouve pas cette vision très crédible.
Déjà, lorsqu'il était archevêque de Buenos Aires, le cardinal Bergoglio nouait des relations avec les membres de la FSSPX. Son côté provocateur, aimant surprendre, sa sympathie pour le non-conformisme de Mgr Lefebvre expliquaient son attitude. Or pour asseoir votre thèse, il faudrait conclure que lorsqu'il était en Argentine, l'actuel pape avait ses dispositions sympathiques à l'égard de la FSSPX pour pouvoir dresser un piège à l'égard de tous les conservateurs en devenant potentiellement pape. L'explication est pour le moins tirée par les cheveux car le pape n'avait aucune certitude d'être pape. La thèse ne tient guère debout de ce fait.
François est au contraire assez gaffeur. Depuis huit ans, ses propos ne sont pas tous maîtrisés. Il a promu des prélats qu'il a dû évacuer ensuite avec fracas. Il a multiplié les interventions qui se contredisaient au point que la salle de presse est devenue douée en rétropédalage. Il apparaît impulsif, comme une certaine fidèle asiatique a pu le sentir à ses dépens sur la place Saint-Pierre, etc.
Je crois au contraire que le sentiment qui est décrit depuis le début du pontificat, selon lequel le pape navigue à vue, agit selon ses intuitions, selon ses amitiés, est très vrai. Le caractère brouillon du Motu Proprio, fondé sur des mobiles erronés tant ils sont caricaturaux, agressif tant il est déconnecté de la réalité, montre bien qu'il n'a pas été sous-pesé depuis 2013. Nous voyons bien davantage là un texte écrit sous le coup de l'effroi des conséquences de la crise sanitaire sur les diocèses, et de la crainte d'un entourage progressiste, devenu majoritaire au sein du Vatican, de ne pas disposer éternellement de ses prérogatives.
Ce qui a changé par rapport au début de pontificat, c'est que François, qui aime tant plaire, a sans doute suffisamment vieilli pour ne plus être connecté avec l'opinion des fidèles et ne plus constater que la remise en cause de Summorum pontificum risque justement de ne pas plaire du tout.
Enfin, favoriser la FSSPX et ensuite lui agréger toutes les forces les plus conservatrices risquerait d'être un très mauvais calcul pour celui qui aurait concocté le plan machiavélique que vous présentez. Il suffirait d'un autre pontificat pour faire de ce mouvement une force incontournable au sein de l'Église. Pour le coup, ce serait hautement risqué. En 1988, les opposants au missel tridentin avaient réussi à diviser le traditionalisme. La grande différence, en 2021, c'est qu'ils recréent une nouvelle unité contre eux. Une telle attitude paraît plutôt résulter d'une fuite en avant, en fin de pontificat.
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