Face à cet épineux problème, on a trois solutions possibles :
1. Le réalisme excessif de certains Pères qui imagine pour les enfants morts sans baptême non seulement une privation de la vision béatifique, mais aussi une punition des sens.
2. Le nominalisme existentiel de nos contemporains qui affirme trop facilement la certitude que ces enfants sont et doivent être sauvés.
3. Le réalisme modéré qui prend deux formes, celle de la théologie classique qui imagine une privation de la vision béatifique avec un certain état de bonheur naturel, et celle de l'espérance chrétienne qui confie à la miséricorde de Dieu le salut des enfants morts sans baptême.
Je n'ai pas lu la thèse du Père abbé de Fontgombault. Je souscrits entièrement à l'opinion exprimé par Mgr Piolanti qui fut le dernier grand représentant de l'école Romaine de théologie :
« Après le concile Vatican II, qui ne voulut pas affronter l'épineux problème soulevés par certains courants théologiques, de nouvelles solutions, toujours plus bénignes, furent proposées. La plus significative est celle du P. Jean Galot, lequel, dans la ligne du cardinal Cajetan e du P. Héris, pose ce parallélisme: de même que, chez les adultes, le désir du baptême supplée à la réception du sacrement, de même, chez les enfants, le désir du baptême, formé pour tous par l'Eglise, supplée de façon semblable à la collation du sacrement, de sorte que tous les enfants se sauvent in voto Ecclesiae [51]. Cette pieuse conjecture, présentée avec un ample cortège d'arguments et avec une fine perception de ses conséquences [52], est destinée à toucher le cœur chrétien, tandis que l'esprit reste dans l'attente respectueuse d'un jugement du magistère. » [< note > 51] J. GALOT, La salvezza dei bambini morti senza Battesimo, in La Civiltà Cattolica 1971, II, pp. 228-240; 336-346. C. PORRO s'approche avec modération de cette thèse, in Peccato e riconciliazione, Casale Montferrat 1983, pp. 41-52.[< note 52 >] L'illustre théologien s'appuie sur la volonté salvifique universelle de Dieu, et sur la solidarité de tous les hommes avec le Christ Rédempteur, laquelle triomphe de la solidarité non moins universelle en Adam, source du péché originel. Cette dernière considération avait déjà été bien traitée par l'abbé E. BOUDES, Réflexions sur la solidarité des hommes avec le Christ, in Nouvelle Revue Théologique 81 (1949), pp. 589-605. (Antonio PIOLANTI, I Sacramenti, 3e édition revue et ajournée, Pontificia Accademia Teologica Romana, Libreria Editrice Vaticana, Cité du Vatican, 1990, p. 298. )
Pour ce qui est de votre objection ("allons plus loin") elle ne porte pas car pour les adultes qui vivent dans des régions reculées qui ignore le Christ est offert un moyen de racheter le baptême par leur premier acte libre. Il s’agit d’une doctrine méconnue, mais pourtant parfaitement classique, et enseignée par saint Thomas : « Une fois que l'homme a commencé à avoir l'usage de la raison, il n'est pas tout à fait excusé de la culpabilité des péchés tant véniels que mortels. Mais la première chose qui doit se présenter à sa réflexion, c'est de délibérer sur lui-même. Et si réellement il s'est ordonné à la fin voulue, il obtiendra par la grâce la rémission du péché originel. Tandis que, s'il ne s'oriente pas vers la bonne fin, autant qu'à cet âge-là il est capable de la discerner, il péchera mortellement, ne faisant pas tout son possible. Et dès lors, il n'y aura plus chez lui péché véniel sans péché mortel, si ce n'est après que tout lui aura été remis par la grâce. » (I-II, 89, 6, c.)