À propos des vérités du second alinéa, c'est-à-dire celles qui, avec la Révélation, entretiennent des rapports de nécessité logique, on peut considérer, par exemple, le développement de la connaissance de la doctrine liée à la définition de l'infaillibilité du Pontife romain, avant la définition dogmatique du Concilie Vatican I. Le primat du Successeur de Pierre a toujours été considéré comme un élément révélé, même si, jusqu'à Vatican I, la discussion restait ouverte de savoir si l'élaboration conceptuelle qui sous-tend les termes de « juridiction » et d'« infaillibilité » devait être considérée comme faisant intrinsèquement partie de la révélation ou en était seulement une conséquence rationnelle. De toute façon, même si son caractère de vérité divinement révélée a été défini par le Concile Vatican I, la doctrine de l'infaillibilité et du primat de juridiction du Pontife romain était reconnue comme définitive bien avant le Concile. L'histoire montre donc clairement que ce qui a été retenu dans la conscience de l'Église était considéré dès l'origine comme une doctrine vraie et a été par la suite tenue pour définitive. Mais c'est seulement au stade final de la définition de Vatican I que cette doctrine a été accueillie comme vérité divinement révélée.
En ce qui concerne le récent enseignement sur la doctrine sur l'ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes, il faut remarquer un processus similaire. Le Souverain Pontife, tout en ne voulant pas arriver jusqu'à une définition dogmatique, a eu l'intention de réaffirmer qu'il faut considérer cette doctrine comme définitive [32], dans la mesure où, fondée sur la Parole de Dieu écrite, elle est transmise constamment par la Tradition de l'Église et enseignée par le Magistère ordinaire et universel [33]. Il n'empêche que, comme le démontre l'exemple précédent, la conscience de l'Église puisse progresser dans le futur, au point de définir cette doctrine comme divinement révélée.
Explication plus complète
6. La seconde proposition de la professio fidei affirme: « Fermement encore, j'embrasse et tiens toutes et chacune des vérités que l'Église propose de façon définitive concernant la doctrine sur la foi et les mœurs ». Ce qui est enseigné dans cette formulation comprend toutes ces doctrines ayant trait au domaine dogmatique ou moral? qui sont nécessaires pour garder et exposer fidèlement le dépôt de la foi, même si elles n'ont pas été proposées par le Magistère de l'Église comme formellement révélées.
Ces doctrines peuvent être solennellement définies par le Pontife romain quand celui-ci parle « ex cathedra » ou par le Collège des Évêques réunis en concile. Elles peuvent être aussi enseignées infailliblement par le Magistère ordinaire et universel de l'Église comme une « sententia définitive tenenda » [14]. Tout croyant est donc tenu à accorder à ces vérités son assentiment ferme et définitif fondé sur la foi dans l'assistance que l'Esprit Saint prête au Magistère de l'Église, et sur la doctrine catholique de l'infaillibilité du Magistère dans ces domaines [15]. Qui les nierait se trouverait dans la position de celui qui rejette les vérités de la doctrine catholique [16] et ne serait donc plus en pleine communion avec l'Église catholique.
7. Les vérités relatives à ce second alinéa peuvent être de nature différente et de fait, apparaissent telles dans leur lien avec la révélation. En effet, certaines vérités sont nécessairement liées à la révélation en vertu d'un rapport historique, tandis que d'autres présentent une connexion logique, expression d'une étape dans la maturation de la connaissance de cette même révélation, que l'Église est appelée à accomplir. Que ces doctrines ne soient pas proposées comme formellement révélées, puisqu'elles ajoutent à la foi des éléments non révélés ou non encore reconnus expressément comme tels, cela n'enlève rien à leur caractère définitif. D'ailleurs leur caractère définitif est impliqué au moins par leur lien intrinsèque avec la vérité révélée. En outre, on ne saurait exclure qu'à un certain stade du développement du dogme, l'intelligence des réalités aussi bien que des paroles du dépôt de la foi puisse progresser dans la vie de l'Église et que le Magistère en arrive à proclamer certaines de ces vérités comme des dogmes de foi divine et catholique.
8. En ce qui concerne la nature de l'assentiment dû aux vérités proposées par l'Église comme divinement révélées (1er alinéa) ou à tenir de manière définitive (2ème alinéa), il importe de souligner qu'il n'y a pas de différence au niveau du caractère plein et irrévocable de l'assentiment dû respectivement à ces diverses vérités. La différence se situe au niveau de la vertu surnaturelle de foi: dans le cas des vérités du premier alinéa, l'assentiment est fondé directement sur la foi dans l'autorité de la Parole de Dieu (doctrines de fide credenda); dans le cas des vérités du deuxième alinéa, l'assentiment est fondé sur la foi dans l'assistance que le Saint-Esprit prête au Magistère et sur la doctrine catholique de l'infaillibilité du Magistère (doctrines de fide tenenda).
9. De toute façon, le Magistère de l'Église enseigne, par un acte définitoire ou non, une doctrine à croire comme divinement révélée (1° alinéa) ou à tenir de manière définitive (2° alinéa). Dans le cas d'un acte définitoire, une vérité est solennellement définie par une déclaration « ex cathedra » du Pontife romain ou par l'intervention d'un concile œcuménique. Dans le cas d'un acte non définitoire, une doctrine est enseignée infailliblement par le Magistère ordinaire et universel des Évêques dispersés de par le monde et en communion avec le Successeur de Pierre. Cette doctrine peut être confirmée ou réaffirmée par le Pontife romain, même sans recourir à une définition solennelle, en déclarant explicitement qu'elle appartient à l'enseignement du Magistère ordinaire et universel comme vérité divinement révélée (1° alinéa) ou comme vérité de la doctrine catholique (2° alinéa). Par conséquent, quand, sur une doctrine, il n'existe pas de jugement sous la forme solennelle d'une définition, mais que cette doctrine, appartenant au patrimoine du depositum fidei, est enseignée par le Magistère ordinaire et universel – qui inclut nécessairement celui du Pape –, il faut l'entendre comme étant proposée infailliblement [17]. Quand le Pontife romain, par une déclaration, la confirme ou la réaffirme, il n'accomplit pas un acte nouveau qui élève cette vérité au rang de dogme, mais il atteste formellement qu'elle est déjà propriété de l'Église et par elle infailliblement transmise.
10. La troisième proposition de la professio fidei affirme: « De plus, avec une soumission religieuse de la volonté et de l'intelligence, j'adhère aux doctrines qui sont énoncées, soit par le Pontife romain, soit par le Collège des évêques, lorsqu'ils exercent le Magistère authentique, même s'ils n'ont pas l'intention de les proclamer par un acte définitif ».
À cet alinéa appartiennent tous ces enseignements – en matière de foi ou de morale – présentés comme vrais ou au moins comme sûrs, même s'ils n'ont pas été définis dans un jugement solennel ou proposés comme définitifs par le Magistère ordinaire et universel. Ces enseignements sont en tout cas expression authentique du Magistère ordinaire du Pontife romain ou du Collège épiscopal et requièrent donc la soumission religieuse de la volonté et de l'intelligence [18]. Ils sont proposés pour nous conduire à une intelligence plus profonde de la révélation, ou bien pour rappeler la conformité d'un enseignement avec les vérités de la foi, ou enfin pour mettre en garde contre les conceptions incompatibles avec ces vérités ou contre des opinions dangereuses susceptibles d'induire en erreur [19].
Une proposition contraire à ces doctrines peut être qualifiée d’erronée ou bien, dans le cas des enseignements de l'ordre de la prudence, de téméraire ou de dangereuse et donc « tuto doceri non potest » [20].