Votre analyse est intéressante.
Je pensais à un autre point : il n’est pas rare que des passages douteux, flous, suspects ou simplement maladroits dans les textes du synode sous considération sont interprétés par la suite par leur promulgateur ou ses successeurs d’une façon absolument univoque, et ce dans le sens du "Renouveau".
Là il faut voir l’interprétation officielle, authentique, de ce "magistère", n’en déplaise au partisans du "continuisme" (je reprends votre expression qui est utile).
Exemple : "Gaudium et Spes" (1965) n. 22 (AAS 58 (1966) 1042) interprété authentiquement dans "Redemptor hominis" (1979), où nous lisons (n. 13, AAS 71, 282-4), que tout homme, par le seul fait de l’Incarnation du Verbe, est dès sa conception ("ex quo sub corde matris concipiuntur"), donc avant même le baptême, avant sa profession de la Foi, "orné de la plénitude du mystère" (de l’Incarnation et de la Rédemption), et que cette plénitude, cet état de grâce, d’adoption comme enfant de Dieu, cette "imago et similitudo (!) Dei ipsius", demeure en permanence en lui, "in omne tempus", de façon irrévocable, "integra permanet".
On le voit: le "quodammodo" de GS 22 qui avait doré la pilule pour les Pères synodaux a disparu dans l’interprétation : "De quolibet homine agitur cum quivis (!) comprehendatur mysterio Redemptionis, et huius mysterii gratia in omne tempus (!) cum eo Christus se coniunxerit."
Le Christ, dans son Incarnation, devient ainsi un mot-clef, un code chiffré, un symbole de l’homme, mieux : de l’Homme, l’homme exemplaire, l’homme par excellence, abstraction faite de l’exigence de la foi qui unit à Dieu. Il devient la voie "à tout homme", pas en puissance, mais en acte, comme il est la voie au Père.
C’est de la méga-gnose.
Mais comme vous dites : ils ont fait, contraints par la réalité, le pas du fanatisme au fatalisme.
Leur système est boiteux, et le vide s’installe, pas seulement dans leurs églises, mais aussi dans la société, de plus en plus déchristianisée, sans foi, sans espoir, sans charité.
C’est effrayant, mais, pour terminer sur une note plus légère, cela me rappelle un vers un peu coquin d’un de vos poètes :
O n’y vouloir, ô n’y pouvoir mourir un peu !
Ah ! tout est bu ! Bathylle, as-tu fini de rire ?
Ah ! tout est bu, tout est mangé ! plus rien à dire !