Le christianisme a bien une dimmension ésotérique. Il suffit de relire les écrits chrétiens des premiers siècles (exemple: la Vie de saint Antoine, que l'on entend ici à partir de 46:35). On y parle d'initiation aux mystères, etc.
Sans doute le terme "ésotérique", en raison de la connotation qu'il a prise par la suite, vous déplaît-il; peu importe, vous pouvez toujours employer un autre terme si vous le voulez, à condition de reconnaître qu'il est faux et archi faux de prétendre que les vérités divines peuvent être saisies dès le premier abord, comme s'il s'agissait d'évidences que l'on pourrait pleinement comprendre tout en restant à un niveau superficiel, à la surface de soi-même. Au contraire, les vérités divines révélées par le Christ sont des mystères (et non pas des secrets!), auxquels il faut être progressivement initié. C'est le sens de ce que l'on appelle l'initiation chrétienne qui s'effectue par les sacrements et l'enseignement de la saine doctrine. J'appelle cela un ésotérisme à finalité exotérique, ou un ésotérisme ouvert. Ouvert, dans le sens où il s'adresse à tout homme venant en ce monde, et non pas à un petit groupe de privilégiés. En revanche l'initiation du plus grand monde commence par l'initiation de cercles restreints au sein desquels la doctrine sacrée est transmise dans toute sa pureté: les Apôtres, leurs successeurs immédiats, les évêques, qui transmettent aux prêtres, qui transmettent aux baptisés, qui évangélisent d'autres hommes, etc. Peu importent les termes, du moment que la réalité de ce qu'ils désignent est admise.
Je note que personne ne m'a répondu sur les multiples traces d'ésotérisme que j'ai cités, notamment dans les pratiques liturgiques des chrétiens des premiers siècles. Le catéchumène est celui qui n'a pas encore été pleinement initié aux mystères, et donc il ne peut assister au sacrifice eucharistique. La virulence des Pères contre les gnostiques s'explique justement parce qu'il y avait un risque de confusion avec la vraie Gnose, c'est à dire la connaissance de Dieu, qui nous été apportée par le Christ, et qui ne consiste pas à apprendre bêtement des articles de catéchisme (comme on l'a cru dans l'Eglise à partir de Trente), mais qui consiste à s'immerger dans les profondeurs insondables de la grâce sanctifiante, et à se laisser transformer, diviniser par elle. Plus facile à dire qu'à faire, vous me direz avec raison, et c'est pourquoi l'enseignement du catéchisme (qui n'est que la lettre de la doctrine sacrée) est aujourd'hui hélas nécessaire. Mais il n'en a pas toujours été ainsi.
Entre la dadame catéchiste d'une paroisse diocésaine actuelle qui affirme que "l'amour" consiste en une sorte de fade philanthropie humanitaire et purement horizontale vaguement teintée de sentiment religieux, et la mystique d'une sainte Elisabeth de la Trinité qui a vécu cette immersion dans le véritable Amour, c'est à dire dans le mystère même de la sainte Trinité, vous admettrez avec moi que la différence est colossale. L'une a été initiée au Mystère, l'autre non. L'une a été habitée par la doctrine sacrée, l'autre non. Et pourtant toutes les deux utilisent le terme "d'amour". Dans un cas, on a un christianisme frelaté, réduit à un exotérisme pur, "démystagogisé", et dans l'autre, on a le véritable Christianisme, une expérience véritablement surnaturelle, une participation à la vie divine.