Par ailleurs, j’ai lu dans Dom Besse, je ne plus exactement où, que le Concordat n’avait pas contribué à christianiser la France. C’est peut-être une perspective que vous pourriez envisager…
Sans me prononcer sur le reste, je serais vraiment beaucoup plus prudent que vous sur ce point.
Non d'ailleurs que j'ai une sympathie illimitée pour la convention du 26 messidor an IX et pour ses décrets d'exécution, qui ont par un acte d'autorité sans précédent ébranlé la stabilité de l'épiscopat, éteint des Eglises antiques et pour ainsi dire réduit à néant l'ancienne Eglise gallicane. Le Concordat de 1801 était sans contredit très mauvais également dans le sens où il ne reconnaissait pas la religion catholique comme dominante.
Mais l'état de délabrement de l'Eglise de France après dix ans de schismes et de persécutions était bien réel. On lit parfois (je n'ai jamais su quelle était la référence) que Bonaparte aurait tout cédé si Pie VII avait été moins conciliant. Je n'en crois rien. Bonaparte a déjà eu toutes les peines du monde à faire admettre par le Corps législatif le rétablissement de la religion catholique ; comment aurait-il consenti davantage ? Les Bourbons eux-mêmes ont échoué à imposer un Concordat plus favorable en 1817. On peut raisonnablement admettre l'état de nécessité qu'a invoqué Pie VII pour passer par-dessus les règles ordinaires.
La reconstruction concordataire a été limitée, mais réelle. Le schisme constitutionnel a été résorbé. La reprise du recrutement sacerdotal s'amorce dès les années 1810.
Sous la monarchie de Juillet, il a pu être question de rompre le Concordat. Comme l'a bien dit le chanoine Sevrin, les hommages sages ont repoussé un acte de rupture aussi vain que dangereux : cela a été le cas du grand Grégoire XVI à Rome, qui n'a rien négligé qui puisse améliorer les relations avec Louis-Philippe, ou encore de Mgr d'Astros, le très vertueux et remarquable archevêque de Toulouse, qui était pourtant fondamentalement légitimiste. En faveur de la rupture, on trouvait en revanche les irresponsables et les exaltés, Lamennais, Guéranger, tous ces hommes qui selon l'expression de Lacordaire perdraient un empire pour un coup de canon d'il y a cent ans.
En fin de compte, le rapprochement entre l'Eglise et la monarchie de Juillet après 1833 a été bénéfique à la religion et limité les dégâts des trois années d'anticléricalisme militant qui ont suivi la révolution de 1830.
Comme le dit toujours Sevrin, on voit bien ce que l'on a perdu depuis la fin du Concordat : quant à ce que l'on a gagné, c'est beaucoup plus incertain.
Je pense par ailleurs qu'il ne faut pas relire toute l'histoire du Concordat à la lumière des décisions de Léon XIII : on risque alors des anachronismes ou des jugements injustes.
Peregrinus