Ainsi je clique sur Byblos, parce que je connais un peu et que ce lieu est chargé d’histoire, et parce que ça m’intrigue. Le siège est vacant depuis 2016.
Byblos est une petite ville très charmante, entièrement chrétienne en effet, la dernière fois que j'y étais fut je crois en 1995, plutôt épargnée par la guerre, et je ne sais pas quelle en est la situation actuelle, j'espère pas trop mauvaise. Un peu avant j'avais parcouru, épouvanté, un Beyrouth en ruines, et je me suis recueilli devant la cathédrale Saint Georges sans toit, je ne vous dis pas quels furent mes sentiments et impressions.
Vous remarquerez que le titulaire de Byblos décédé en 2016 était Maronite.
Mais est-il judicieux de garder un siège titulaire là où il y a une éparchie maronite, en un lieu où la population est incontestablement maronite, donc catholique ? Quand on disait encore "in partibus infidelium", on considérait donc les maronites de Byblos comme des infidèles ?
Je comprends en principe votre énervement mais je crois en l'occurrence qu'il n'est pas justifié et qu'il y a plutôt un malentendu.
Le terme "in partibus infidelium" - "dans le territoire des infidèles", désigne a priori l'Empire ottoman, et la Perse, donc deux empires musulmans, où il y a bien sûr des chrétiens, latins ou autres, mais qui politiquement sont gouvernés et contrôlés par des infidèles. Le terme i.p.i. n'est pas utilisé pour le domaine slave, qui est entièrement chrétien, aussi de gouvernement, et d'ailleurs il n'y a pas (sauf exception rarissime, il faudrait vérifier) des sièges titulaires dans le domaine russe (au sens large, l'Empire russe d'avant 1917).
L'Empire ottoman lui, je ne vous apprends rien, englobait à son apogée une bonne partie des Balkans, la Grèce, tout le Moyen Orient et l'Afrique du Nord. Lorsque au XIXe siècle cet empire s'effritait, et des royaumes indépendants lui ont succédé sur certaines parties de son territoire, la Grèce à partir de 1821, la Bulgarie en 1878, la Roumanie en 1881, etc., ces royaumes furent chrétiens et changeaient complètement la carte politique de la région.
Ainsi s'explique la lettre circulaire de la Congrégation de la Propagande du 3 mars 1882 supprimant la désignation "in partibus infidelium", pour la remplacer par "titulaire", pas seulement pour les sièges dans les Balkans, mais aussi pour les autres parties encore sous le gouvernement ottoman ou perse.
Je n'ai pas trouvé ce texte dans les volumes des
Acta Sanctae Sedis, mais le changement se reflète très clairement dans les actes consistoriaux.
Ainsi, si vous comparez, dans le volume 14 de 1881, p.ex. aux pages 55-57, les évêques titulaires sont désignés par leurs sièges "in partibus infidelium", alors que l'année après, dans le volume 15 de 1882, p.ex. aux pages 3-7, ses sièges sont appelés "titulaires".
(les pdf
ICI).
Byblos a fait partie de l'Empire ottoman jusqu'en 1920 (au moins nominalement), et faisait donc politiquement partie du territoire des infidèles, dans l'acception du terme décrit plus haut.
Mais personne n'a maintenu que les Maronites du Mont Liban étaient, eux, des infidèles, bien entendu !